On ne sait rien de la Grésigne de l’an 1000, si ce n’est que cette forêt, s’étendant sur le territoire contrôlé par les Comtes de Toulouse ressemblait encore à l’antique forêt celtique, immense espace naturel où les hommes ne s’aventuraient guère si ce n’est pour s’y réfugier sur des oppida en cas de danger. Autour de la Grésigne mérovingienne puis carolingienne, l’homme est encore rare et les défrichements commencés à l’époque gallo-romaine ont été vraisemblablement abandonnés de nouveau à la friche puis à la forêt. Les anciennes clairières des « villae » seront remises en culture avec de nouvelles terres lorsque d’importants défrichements reprendront à partir du dixième siècle.
La forêt féodale de Grésigne, fief de seigneurs locaux
Cependant, depuis le 9ème siècle, les Comtes de Toulouse tenaient la forêt de Grésigne sous leur protection. Ce sont eux qui installèrent les Templiers à Vaour en 1140 et qui concédèrent la Grésigne en fief aux petits seigneurs et potentats locaux, ces derniers laissant la liberté aux habitants des communautés et des paroisses riveraines le droit d’y conduire leurs animaux domestiques et d’y exercer divers prélèvements et cueillettes nécessaires à leurs besoins de vie.
Plusieurs actes de reconnaissance, comme celui du 15 août 1259 pour « Pons de Pétra (de la Peyre), damoiseau de la Baylie de Pechcelsi », pour « Armand de Rô », pour « Pons Géraud », attestent en effet la reconduction de leur fief composé de morceaux de forêt qu’ils déclarent tenir du Comte de Toulouse dans telle ou telle partie du territoire de la Grésigne (1).
Un autre acte, celui du 29 mai 1261, cite « Bernard de Penne, chevalier » au sujet de biens que celui-ci reconnaît aussi tenir en fief du Comte de Toulouse « dans le territoire et honneur de Grésigne » où le village de Rouyre est alors signalé.
Du 11ème au 12ème siècle, période de 200 ans qui permit une croissance démographique que les historiens jugent importante, les déboisements nécessaires de la couverture forestière furent vraisemblablement entrepris aux abords et à l’intérieur de la forêt de Grésigne pour développer de nouveaux espaces à cultiver.
Les vassaux locaux du Comte de Toulouse pouvaient donc disposer à leur guise de tènements en Grésigne qui composaient leur fief en pleine propriété et pouvaient en faire un usage féodal en affermant droits de pâture ou de glandage sur des parties de la forêt que lon trouve mentionnées dans divers actes au 13ème siècle.
Le Trésor des Chartes aux Archives Nationales permet en effet de relever une douzaine d’actes (2) datés de 1230 à 1278, soulignant l’omniprésence du seigneur Bernard de Penne, tantôt s’accordant avec son frère Olivier sur leurs possessions réciproques en Grésigne (acte du 4 décembre 1230), tantôt recevant « la vila de Grazinha » de Noble Aton de Grésigne en échange de diverses terres et de la juridiction du « dîmaire de Saint-Clément »(acte d’octobre 1252), tantôt affermant « la pâture des herbages jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste » par les actes du 2 août 1258 et du 6 mai 1259. D’autres actes sont relatifs à l’utilisation de diverses parties de la forêt, notamment celle qui s’étendait du « Pas de la vairo als arenyers » (Pas de la Vère au Pas de la Lignée), ou telle autre partie encore portant ici et là les noms de lieux-dits toujours usités : « Riu de Bareiras » (ruisseau des Barrières) ou du « Riu del Merduso » (ruisseau du Merdussou), « Auta-Serra » (Haute-Serre, partie haute de la forêt), « Montalio » (terme qui peut être traduit phonétiquement et mot à mot en occitan « mon morceau », tandis que francisé sous le nom de Montoulieu, sa signification devient « mont des oliviers », ce qui peut nous apparaître étrange sous le climat grésignol).
Un autre acte du 11 avril 1278 montre également la puissante emprise des seigneurs pennols et de leur descendance sur la Grésigne comtale puisque Raimond Amiel de Penne, fils de Bernard de Penne, acquiert d’un autre chevalier pennol, Guilhem de Roquefort et de sa Dame Pola, un ensemble de biens important en Grésigne comprenant « terres, hameau, bois, taillis, pâtures, eaux et carrières, cens et acapte »(3), ainsi qu’autres droits seigneuriaux qui y sont rattachés. Les redevances du cens annuel et de l’acapte versée au seigneur lors de la transmission des terres par héritage, étaient payées par les serfs ayant défriché la forêt et colonisé divers lieux d’essartage. Ces déboisements, organisés souvent en fonction de la poussée d’une population villageoise dont les terroirs deviennent insuffisants pour nourrir les habitants qui s’y réfugiaient, étaient souvent placés sous la direction des Templiers implantés à Vaour, ou bien sous l’autorité des moines bénédictins d’Aurillac venus s’installer à Puycelsi vers l’an 1000, si ce n’est encore à l’initiative de congrégations monastiques plus anciennes comme celle de Vieux dès le 7ème ou 8ème siècle.
En effet, la liste des biens acquis en 1278 par le seigneur Raimond Amiel de Penne laisse entendre qu’en dehors des terroirs attenant aux « castrum » fortifiés et établis sur le lieu de villages situés à la limite de la forêt, la Grésigne féodale était plus étendue que la forêt actuelle. La Grésigne comprenait alors des clairières habitées et cultivées, mais aussi des espaces soumis à la pâture des animaux, et également des carrières d’où l’on extrayait les pierres de grès rouge que l’on trouve assemblées avec les pierres de calcaire ocre dans les murs de nos vieilles bâtisses. Les chênes de la forêt ont permis dès cette époque la construction typique de maisons à colombages qui font toujours le charme des villages riverains.
Origine des privilèges accordés aux populations grésignoles
Jusqu’au 10ème siècle, la forêt de Grésigne a donc été, du fait d’une faible densité de population, un espace vraisemblablement peu convoité et ce d’autant plus que la surface boisée des causses et des vallées périphériques suffisait aux besoins d’habitats peu importants. Mais au cours des 11ème et 12ème siècles, l’augmentation de la pression démographique fit de la forêt un lieu de plus en plus utile pour ses réserves nourricières de fruits et drupes (nèfles, châtaignes, cornouilles, mûres…) provenant d’espèces végétales fréquentes en Grésigne, en champignons et en gibier, mais aussi grâce à un vaste pacage d’herbes, de glands et de feuillages de toutes sortes pour entretenir porcs et bêtes à cornes.
Bien avant que les hordes de croisés de Simon de Montfort et les routiers pillent le pays, les habitants autochtones s’étaient regroupés pour la plupart dans les castra fortifiés périphériques à la Grésigne, villages aménagés autour des fiers et puissants châteaux seigneuriaux se dressant à Bruniquel, Penne, Puycelsi et, plus tard, à l’intérieur des remparts de la bastide de Castelnau-de-Montmiral dont il reste les vestiges. Autant de villages hauts perchés et fortifiés où la construction des maisons, surtout pour les plus modestes, nécessitent des bois de qualité que les seigneurs autorisent alors à prélever dans leur fief en Grésigne.
Mais le danger de la croisade et des routiers étant passé, devant des besoins en bois qui se multipliaient, on règlementa de plus en plus sévèrement le droit pour chacun d’aller couper les arbres de son choix en Grésigne. Furent interdits aussi les essartages par le feu ou tout autre moyen, donnant lieu à un type de jachère forestière qui était encore pratiqué aux abords de la forêt au début du 19ème siècle.

Cette première remise en question de coutumes consistant à utiliser la forêt comme un bien collectif, pratiques privilégiées et tolérées jusque-là en toute liberté, entraîna des conflits locaux, comme celui qui opposa les habitants de Montmiral aux seigneurs de Penne. Forts du statut octroyé à leur toute récente bastide créée par le Comte de Toulouse Raymond VII quelque cinquante ans plus tôt, les habitants de Montmiral transigèrent en 1273 avec Bernard et Gaspard de Penne (4), afin qu’il leur soit reconnu dans la partie de la forêt les concernant « de prendre du bois de construction et de chauffage et y amener, pendant le jour, leurs bestiaux, les faire boire aux ruisseaux et fontaines, et ramasser du gland dans certains quartiers ». Une autorisation semblable fut concédée trois ans plus tard aux mêmes Montmiralais, en 1276, avec la reconnaissance de ces mêmes droits par deux autres seigneurs locaux, Guillaume de Rochefort et Raimond de Metge, qui détenaient également une partie de leur fief en Grésigne.
La preuve écrite de ces droits et privilèges, octroyés en Grésigne par les seigneurs de Penne aux habitants de la communauté montmiralaise en 1273 et 1276, ne faisait qu’entériner les usages coutumiers dont bénéficiait toute la population des villages et hameaux périphériques à la forêt depuis la nuit des temps…La convention écrite avec les représentants de la communauté montmiralaise ne fait ici que confirmer la coutume transmise par voie orale de génération en génération dans les pays grésignols.
De la forêt féodale et seigneuriale à la première forêt royale
Le Languedoc devint partie intégrante du Royaume de France après le décès d’Alphonse de Poitiers, frère du Roi Louis IX dit Saint-Louis, et le décès de son épouse la Comtesse Jeanne de Toulouse avec laquelle s’éteignait la dynastie raymondine des Comtes de Toulouse depuis l’an 865 quand Raymond Premier devint Comte de Quercy, de Rouergue et de Toulouse. Morts tous deux en 1271 sans laisser d’héritiers, le Traité de Paris en 1229 avait prévu que, par leur mariage, le territoire du Languedoc serait annexé au Royaume de France. Ce qui fut le cas. Les puissants seigneurs de Penne ci-avant désignés (dont l’un, Raymond Amiel, était seigneur de Laguépie et de Rouyre et l’autre, Bernard, seigneur de Lamotte) se virent ainsi obligés de vendre leur propriété et droits afférents en Grésigne en 1281 à la Couronne de France, respectivement pour « 700 livres tournois noirs » pour dédommager le premier et « 800 livres » pour le second. C’est entre 1282 et 1285 que le Sénéchal du Roi en poste à Toulouse, le fidèle et dévoué Eustache de Beaumarchais, après ces deux premiers gros achats réalisés auprès des seigneurs pennols, allait procéder à la complète réunification de tous les autres tènements de Grésigne, répartis entre divers autres propriétaires de moindre importance. Le nouvel acquéreur royal s’obligeait cependant à respecter, d’une part les droits, us et coutumes qui avaient été déjà consentis aux habitants des communautés voisines de Grésigne, d’autre part à garantir le maintien de certains droits que les vendeurs se réservèrent pour eux-mêmes et leurs descendants, avantages que nous verrons se prolonger jusqu’à nos jours sous forme d’attributions de bois de chauffe provenant des coupes faites en forêt.
Au cours de la période de 4 à 5 ans compris entre ces deux dernières dates (1282 et 1285), l’actif et habile Sénéchal royal du Toulousain et de l’Albigeois, contracta donc également diverses autres acquisitions, regroupant de nombreux autres lots appartenant à de petits seigneurs locaux. Ces acquisitions aboutirent à la constitution de la forêt royale de Grésigne dans ses limites approximatives actuelles.
Parmi les autres vendeurs cédant au Roi leur part de forêt avec leurs droits y afférant, un acte daté de 1282 fait mention du « Seigneur de Saint-Cirq » (entre Montricoux et Caussade) et de ses filles « Peironnelle et Ugua » ainsi que de « Dame Pola veuve du Seigneur Guillaume de Roquefort ». Un deuxième acte, daté de 1283, cite « Vital Pelet de Pechelsi pour une terre de 8 seterées attenant à celle de Pons de Petra en Grésigne ». Un acte encore de 1284 nomme Guillaume de Giozelas pour des fonds se situant « au terroir de Tiratual et confrontant le ruisseau d’Odolo », à savoir les abords de l’actuel chemin forestier fort pentu dit « Côte de Tirecul » non loin du Pas du Sauze et du « ruisseau de l’Audoulou » (l’eau qui guérit les douleurs) passant sous la falaise de Puycelsi. Un autre acte de 1285 mentionne également, comme vendeurs de leurs biens au Roi de France, deux autres petits nobliaux locaux ayant nom « Albin de Lagarde » et « Benoît de Rô », habitant à Puycelsi et cédant des propriétés « confrontant le ruisseau du Rô et celui de Castel-Cabrier ».
Autant d’archives qui montrent le patient mais complet regroupement des acquisitions royales pour constituer une forêt qui sera maintenue jusqu’à nos jours dans le Domaine privé de l’Etat, à la différence de forêts voisines qui seront privatisées. Ce qui sera le cas de la forêt de Garrigue Clare dite aussi forêt de Bretou, située sur la rive droite de l’Aveyron entre Montricoux et Saint-Antonin, aux confins des causses de Limogne « sur le fonds sec et aride, plein de grès et de pierre cailloux de pierre, à tel excès à peine qu’y voit-on de la terre … qu’il est plus avantageux au Roi d’y fonder le revenu sur le pâturage que sur le bois », ainsi que devait le remarquer Froidour pour cette forêt qui avait appartenu aux Templiers de Montricoux jusqu’en 1307. Elle devint alors forêt royale après la condamnation de l’Ordre du Temple par le Roi Philippe IV le Bel avant que d’être délaissée à la communauté de Montricoux qui, faute de surveillance, la laissa envahir par les troupeaux de brebis. Ce sera aussi le cas de la forêt de Giroussens aujourd’hui privatisée ou bien encore, celle de la forêt de Sivens. Cette dernière forêt d’une surface de 600 hectares environ (six fois moindre que celle de la Grésigne) fut longtemps la propriété de la riche famille de Navarre, mais était propriété royale lorsque Froidour fit sa visitation de la Grésigne en 1658. Puis elle devint la propriété du seigneur de Montmiral et sera acquise en dernier lieu en 1970 par le Département du Tarn auprès des héritiers du Marquis de Solages lequel en utilisa longtemps les bois pour étayer les galeries des mines de houille de Carmaux.
Les clauses et réservations féodales, maintenues par les vendeurs au cours des transactions établies lors de ces reconnaissances de fiefs, d’affermages ou de ventes, constituèrent donc autant de « privilèges » reconnus par le nouvel acquéreur royal au profit de divers usagers particuliers. Que ceux-ci soient des seigneurs locaux, vassaux des Comtes de Toulouse, ou bien les habitants de communautés placés sous leur protection, certains purent continuer à bénéficier de la tolérance du ban féodal pour prélever en forêt de nombreux produits depuis la nuit des temps. En compensation la population locale supportait de multiples charges et contraintes liées à la dépendance d’une autorité féodale supérieure. Dès que la forêt de Grésigne passa entre les mains du Roi de France Philippe III le Hardi, le pouvoir royal allait supporter de plus en plus difficilement les désordres qu’engendraient ces privilèges relevant de coutumes accordées aux serfs et aux manants par le pouvoir féodal local. Faisant suite à l’antique « forestari» chargé de faire en sorte que chaque jour le feu de bois crépite dans les cheminées royales, le premier « Corps Royal des Maîtres des Eaux-et-Forêts », dits « enquêteurs, inquisiteurs et réformateurs », fut créé en 1292. Organisé de façon toute militaire, comme en témoignent les uniformes que portaient récemment encore les agents forestiers de l’Etat, ce corps de fonctionnaires royaux s’exerça à codifier les droits d’usage coutumiers en les limitant de plus. Dès lors, les habitants vivant à la périphérie de la Grésigne ne furent pas exemptés de tracasseries administratives visant à réduire leurs pratiques d’appropriation collective de produits forestiers divers indispensables à leur vie quotidienne. En devenant sujets du Roi de France, les Grésignols commencèrent à subir la férule du pouvoir central et la violence des institutions le représentant. Pour conserver les droits qu’ils avaient acquis de leurs seigneurs depuis le Haut Moyen Age où la forêt était considérée comme le bien de tous, une longue période de résistance débutait…
Contenu des privilèges en forêt de Grésigne durant le Moyen Age
Les textes et documents qui énumèrent les droits et privilèges des particuliers et des communautés en Grésigne sont souvent le fait des lettres patentes et actes de justice, prononcés avec l’intention d’en limiter l’usage ou de le supprimer. De nombreuses délibérations consulaires, puis municipales, prises par les communes riveraines de la Grésigne faisant référence à leurs titres pour justifier les droits coutumiers dont bénéficiaient les habitants, témoignent d’une attitude contestataire à l’égard des décisions prises par le Parlement toulousain, en se faisant l’interprète des plaintes et doléances exprimées vis-à-vis du comportement répressif des représentants des Eaux-et-Forêts en Grésigne.
On ne dira jamais assez combien ces usages coutumiers faisaient de la Grésigne un espace particulier, totalement intégré à la vie locale, tant ces droits et privilèges ont été importants durant de longs siècles pour nos ancêtres paysans et artisans qui vivaient en symbiose avec la forêt.
Que l’on juge plutôt de la diversité de ces privilèges qui dépendaient de la destination et des caractéristiques des produits, des nombreuses paroisses des communautés riveraines, du temps et du lieu selon l’époque de leur prélèvement ou de leur cueillette dans les parties de la forêt relevant des trois juridictions de Penne, Puycelsi et Castelnau-de-Montmiral.
En ce qui concernait le bois de chauffage, on distinguait « le bois mort, sec et gisant au sol », étant précisé que le bois de chauffage recueilli était celui correspondant à « la charge » que l’on pouvait porter à dos d’âne ou de mulet mais que l’on réduira à la charge de bois pouvant être transportée seulement à dos d’homme ou « sur le col » des utilisateurs. Quant au « mort-bois », cette dernière expression désignait les parties des arbres morts sur pied avec leurs branches sèches, mais donnait lieu selon son sens original à la coupe d’essences secondaires telles que buis, cornouillers, merisiers et autres, ce qui lui fera substituer l’expression générale et plus précise de « bois vifs », pour lesquels toute coupe était rigoureusement interdite en Grésigne.
Pour les bois d’œuvre, on distinguait dans l’énoncé des droits d’us général et plus précise de « bois vifs » pour lesquelles toutes coupes étaient rigoureusement interdite en Grésigne.
Pour les bois d’œuvre, on distinguait dans l’énoncé des droits d’usage, les bois sur pied de ceux « abattus par tempête ou par neige », spécifiant bien que leur utilisation ne pouvait être que personnelle et non mercantile, soit pour « la construction ou la réparation des maisons », soit pour la fabrication de « lattes » pour les toitures, soit pour la fourniture de « merrain » servant à fabriquer les douves des « vaisseaulx », c’est-à-dire la vaisselle vinaire telle que cuves, comportes et barriques fabriquées en bois de chêne ou de châtaignier, soit pour faire des « clôtures de jardin » et encore pour se procurer des « redortes» (liens) ou des « cordes et des chevilles longues et courtes ».
Lorsque les privilèges de se fournir en bois d’œuvre furent supprimés et que les habitants furent réduits à prendre le seul bois mort gisant au sol comme bois de chauffage, il en résulta donc une stricte interdiction de prendre du « bois vert», c’est-à-dire de couper des arbres sur pied.
En ce qui concernait les droits d’herbage et de pacage, il s’agit d’abord des animaux de trait utilisés pour le charroi ou le débardage des bois « pendant le chargement » lorsque ces droits concernaient le pacage en forêt des « bêtes de somme et animaux d’engraissement », il était bien spécifié que tout bétail destiné à être vendu dans le commerce en était exclu. Dans le cas où les animaux étaient surveillés par « le pastre commun » désigné par les Consuls de telle ou telle communauté, il était stipulé que les bestiaux devaient être « dénombrés, marqués », voire « munis de clochettes ». Les boucs aussi bien que les chèvres « à la dent ravageuse » étaient interdits en Grésigne, surtout dans les jeunes taillis aux pousses tendres que ces animaux affectionnent particulièrement ! Quels que soient les animaux, les troupeaux devaient obligatoirement suivre les chemins fixés pour se rendre aux parcelles forestières où le pacage était autorisé à certaines périodes de l’année seulement, pour telle ou telle espèce animale.
Pour ce qui concernait le droit de glandage, donc à utiliser les glands pour la nourriture des porcs (et peut-être pour la nourriture humaine par temps de disette), il était toléré sur des parcelles bien déterminées soit de les ramasser sur le sol avec « interdiction de les faire tomber », soit de les faire manger sur place durant certaines époques de l’année. Un privilège très particulier consistait à prendre en forêt des fougères servant de litières pour les animaux, ainsi que des plantes nommées« alaydut » ou « aleda », nom occitan de l’asphodèle (5), dont « les tubercules, remplis d’amidon, étaient destinés à l’alimentation des porcs, mais ont servi à faire du pain en période de disette » (6).
La forêt de la Grésigne était donc un espace partagé pour exercer ces divers droits d’usage. Nos ancêtres « boisilleurs » s’y rendaient en groupes de voisinage, chacun vaquant à son activité mais ensemble pouvaient se défendre éventuellement contre les loups et, surtout, mieux se protéger des gardes forestiers et leur résister si besoin était.
On comprend aisément que la règlementation tatillonne vis-à-vis des privilèges en Grésigne, gérée par une administration soucieuse de la maintenance de la forêt en bon état, multipliait les occasions d’enfreindre les limites de leur exercice par des usagers souvent… peu scrupuleux !
Les arrêts du Parlement de Toulouse pris à l’encontre des libertés communautaires et des privilèges en Grésigne
A la suite de l’acquisition de la forêt de Grésigne par la Couronne dès le début du 14ème siècle, l’administration forestière des Rois de France allait remettre en cause ces droits qu’elle supportait mal, ce qui la conduisit à traduire les Consuls des communautés riveraines locales et leurs manants devant la justice royale à maintes reprises. Nous verrons que ces privilèges, surveillés par un nombre insuffisant de gardes forestiers aussi faciles à corrompre que mal payés, persisteront dans la pratique quotidienne des Grésignols jusqu’à la moitié du 19ème siècle. Et même au-delà, de façon plus sporadique, puisqu’il est notoirement connu que pendant les années de sècheresse ayant succédé à la guerre de 1939-1945, les troupeaux de bovins allaient paître encore en Grésigne sans autorisation.
Les jugements du Parlement de Toulouse sous l’Ancien Régime qui visaient à diminuer progressivement les privilèges acquis étaient motivés, au-delà de l’égoïsme des puissants à l’encontre des pauvres gens, par un réel souci des forestiers du Roi, non moins justifié, de s’opposer au vandalisme et au pillage populaires de la forêt royale. Cependant, défendus par leurs Consuls dans des communautés jalouses de conserver les libertés et les prérogatives de leurs ressortissants, garanties par des titres remontant à 1273, les habitants riverains continuèrent à se livrer en Grésigne à des excès de toutes sortes, entraînant la destruction massive des taillis et compromettant l’avenir de la forêt.
Malgré « l’Ordonnance de Moulin sur le faict des Eaux-et-Forêts », édictée en 1376 (année de la mort du Prince Noir pendant la Guerre de Cent Ans), l’exercice incontrôlable des privilèges continua en Grésigne, tandis que le plus grand désordre régnait dans les pays voisins, que la peste ravageait et que les chevauchées anglaises et gasconnes finissaient de ruiner les campagnes environnantes.
Les nombreuses conditions participant à la limitation de l’usage de ces droits en Grésigne qui furent fixés de façon de plus en plus sévère par les arrêts de la Haute Cour de la justice languedocienne, à plusieurs reprises depuis le 14ème jusqu’au 17ème siècles, restèrent ainsi le plus souvent, vaines et inefficaces.
Ces dispositions, tantôt plus restrictives, tantôt plus tolérantes selon les concessions faites par les Rois successifs, ne pouvaient qu’engendrer de nouveaux différends car les pauvres habitants de Penne, de Puicelcy ou de Montmiral, de Saint-Beauzile ou du Verdier, face à l’urgence de leurs besoins de survie, ne tenaient guère compte de mesures de plus en plus tracassières, qui énuméraient les conditions imposées pour prélever en forêt le bois et les glands ou pour y faire pacager les animaux d’élevage.
L’appréciation plus ou moins rigoureuse de ces règlementations contraignantes que les « gardes-au-bois » de Grésigne pouvaient en faire dans leur travail quotidien de surveillance, entraînait des sanctions qui apparaissaient particulièrement injustes à de pauvres Grésignols illettrés, alors qu’ils se référaient à des us et coutumes transmis d’une génération à l’autre par la voie orale. Ces us et coutumes riches de savoir-faire oubliés sont aujourd’hui disparus car relevant d’une civilisation de pénurie, de misère et d’extrême précarité.
Furent ressenties comme vexatoires les mesures consistant à convoquer les Consuls devant les officiers royaux et devant le commissaire-enquêteur de Villiers à Toulouse en avril et mai 1332 et encore plus la décision de saisir le bétail des gens de Penne dans les années 1480, ou bien de « molester dans l’exercice de leurs droits » les habitants de Montmiral en 1494 allant jusqu’à faire confisquer et vendre par l’administration le bois sec que ceux-ci venaient de ramasser. Et cela, bien que la confirmation de 1483 aient autorisé les Montmiralais à ramasser le bois-mort et le mort-bois en Grésigne, « ainsi qu’ils avaient coutume de le faire du temps que les feux seigneurs de Penne en étaient seigneurs ».
Les mêmes vexations furent imposées lors de la Réformation de 1542 sous François Premier que nous verrons plus loin mais encore, le 22 juillet 1601, aux gens de Puicelcy chez qui les officiers et gardes de la forêt viennent saisir « le merrain qu’ils travaillaient dans la ville, l’ayant eu de privilèges ou acheté de ceux qu’ils ont privilèges en ladite forêt sans qu’ayant été trouvés faisant mal, ce qui est anéantir le contenu de nos privilèges ». Ce sur quoi, ayant délibéré, les Consuls décident de poursuivre la défense de leurs privilèges devant le Grand Maître des Eaux-et-Forêts afin d’éviter « l’usurpation qu’on en fait ». Le différend survenu se régla ensuite en 1605 après maintes réclamations, à la condition que confirmation de ces droits soient de nouveau renouvelés à la communauté de Puicelcy, moyennant que soient versée au Grand Maître des Eaux-et-Forêts de Languedoc Pierre de Blancour la somme de 120 livres (soit 40 écus). Semblable exigence financière fut imposée en même temps à la communauté de Penne.
Cependant, en 1606, de nouvelles Lettres Patentes pour Puicelcy furent obtenues, après de difficiles négociations, afin que soient garantis aux habitants leurs privilèges en forêt. Avec l’augmentation des tarifs de « l’albergue », redevance annuelle versée pour le maintien des privilèges figurant sur les budgets des communautés locales, ces remises en cause permanentes des usages coutumiers en Grésigne furent autant de provocations qui ne firent que liguer entre elles les communautés grésignoles et leurs Consuls pour s’opposer à l’administration royale des Eaux et-forêts. Certaines communautés feront preuve de leur esprit contestataire, soucieuses de défendre les droits d’usage de leur population, à l’instar des Consuls de Castelnau-de-Montmiral qui feront appel au Conseil royal en 1545 contre les jugements de Jean Bardon après la Réformation de 1542 qui réduisait leurs droits en Grésigne et, bien plus tard, à l’instar des Maires de Puicelcy-en-Albigeois qui feront de même pour contester près la Cour de Montpellier, au cours d’un long procès qui durera de 1827 à 1854, la suppression des droits d’usage en Grésigne. A la suite des visites d’inspection organisées en présence du Commissaire, député par Louis XIV en Grésigne, Louis de Froidour, les sévères jugements prononcés en 1666-1667 puniront d’une lourde amende les divers bénéficiaires d’usages coutumiers en forêt, et même suspendront tous droits d’usage en Grésigne pour une dizaine d’années, y compris le modeste ramassage du bois mort. Décision qui transforma les riverains en autant de « délinquants » poursuivis pour voler du bois en forêt !
Revendication des privilèges pendant l’inféodation de Grésigne et permanence des contestations consulaires à la veille de la Révolution
Au cours de la brève période 1770-1784 pendant laquelle, sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, la Grésigne sera « inféodée » au Comte de Maillebois qui en avait reçu tous droits seigneuriaux, y compris la surveillance avec prérogatives de police mais aussi de basse et haute justices. La résistance s’ensuivra pour sauvegarder les droits d’affouage permettant de s’approvisionner en bois de chauffe, malgré une répression de plus en plus active dudit Comte contre laquelle s’élevèrent des protestations unanimes.
L’un des témoignages contestataires des plus véhéments à l’encontre des gardes forestiers du nouveau maître ayant inféodé la forêt, sera rédigé en février 1789, dans le Cahier de Doléances des habitants de la « pauvre Communauté » de Penne dont le territoire est « assis sur un sol tout pierreux et sec, aride et entièrement monteux ». Les habitants de cette malheureuse communauté furent conduits à exprimer une plainte sciemment argumentée mettant en avant, non ses « privilèges » mais les interdictions bien plus radicales contre la « faculté » prise par ledit Comte, acquise… « à perpétuité ».
En effet, selon la revendication rédigée par les habitants de Penne, il était rappelé avec force que leur communauté bénéficiait de nombreux droits d’usage en Grésigne « ayant acquis de sa Majesté la faculté de prendre à perpétuité dans sa forêt royale de Grésigne du bois mort pour son chauffage ainsi que le bois nécessaire pour ses édifices et fermeture de leurs jardins et la faculté de faire pacager leurs bestiaux dans toute l’étendue de ladite forêt, moyennant une albergue de 21 livres qui a toujours été payée et que l’on paie encore annuellement ». Considérant qu’elle était soumise à des traitements injustes, la population de la communauté pennole dénonçait en conséquence dans son Cahier de Doléances « les tracasseries que les Gardes font journellement aux habitants par la capture, la vente et la confiscation de leurs bestiaux », en précisant qu’elle était l’objet de ces punitions « depuis la concession faite de ladite forêt en 1770 à M. le Comte de Maillebois » et, en conclusion, « qu’elle était privée d’exercer ses facultés ».
L’union faisant la force, une réaction de solidarité locale contre le pouvoir central s’était manifestée deux années plus tôt et s’exprimait aussi, par exemple, par le moyen d’une délibération du « Conseil Politique de Puicelcy » en date du 14 septembre 1787, envoyée au «Seigneur-Evêque du Diocèse d’Albi, subdélégué de l’Intendant du Roi à Montpellier », le tout à l’occasion d’un regain de sévérité des officiers forestiers de Grésigne qui, souligne le Premier Consul, « punissent les habitants troublés dans l’exercice de prendre du bois-mort en Grésigne, à la suite de la volonté d’en faire otage …Ce sur quoi, étant essentiel de maintenir la tranquillité à cet égard et de maintenir le droit de la Communauté, il a été donné pouvoir à Messieurs les Consuls de Puicelcy d’engager Messieurs les Consuls de Penne et de Montmiral à leur communiquer le mémoire qu’ils peuvent avoir en cette affaire et les plans qu’ils se proposent de suivre pour parvenir à l’objet commun de faire confirmer et expliquer le privilège qu’ont ces trois communautés de prendre dans la Forêt de Grésigne le bois mort et mort-bois pour leur chauffage » .
A la veille de la Révolution, il est significatif que ce soit les Consuls de Puicelcy qui lancent un appel à la solidarité intercommunautaire autour de la Grésigne en appelant à la rescousse les Consuls de Penne et de Montmiral pour faire face à l’administration royale dont les mesures suscitaient la révolte des habitants riverains en voulant supprimer leur privilège de prendre en forêt « le mort-bois et le bois-mort pour leur chauffage ».
Pendant la Révolution, face à des abus et délits généralisés, l’administration forestière continua, mais en vain, à remettre en cause ces droits d’usage en forêt pour une raison supplémentaire, cette fois idéologique, visant à supprimer tout ce qui relevait de la notion de privilège comme s’opposant au principe d’égalité entre les sujets du Roi devenus citoyens d’une République Une et Indivisible. La résistance populaire s’organisa et les nouveaux élus municipaux refusèrent d’obéir à cette nouvelle conception, refusant de confondre des droits acquis en forêt qui profitaient surtout aux couches les plus pauvres des populations grésignoles relevant du Tiers Etat, avec les vrais privilèges, fiscaux notamment, gracieusement accordés sous l’Ancien Régime à la Noblesse et au Clergé.
A ce sujet sont singulières autant que contradictoires les dispositions prises par exemple par la municipalité de Puicelcy dont la Garde nationale surveillait en Grésigne les menées contre-révolutionnaires, mais qui décida cependant de défendre, ainsi qu’en fait foi une autre délibération municipale du 4 Octobre 1792, l’un de ses ressortissants, Antoine Marmande, revenant de Grésigne « avec deux de ses bourriques» chargées de bois, « charges de bois que le corps municipal reconnaît comme bois de privilège et fait déposer à l’Hôtel de Ville », en lieu sûr, pour éviter sa confiscation et pour arrêter aussi les poursuites des gardes forestiers sur le pauvre ère auquel on avait déjà confisqué la hache.
Voilà bien une anecdote qui montre l’attachement à la tradition des usages coutumiers en Grésigne par-delà les contradictions et l’ambiguïté du comportement des notables, très attachés aux idées révolutionnaires au sein de la municipalité de Puicelcy mais s’opposant directement aux représentants de l’administration forestière de la toute jeune Première République qui venait d’être proclamée quelques jours à peine avant cet incident.
Pour les récents élus du corps municipal de Puicelcy, on ne s’embarrasse pas de principes puisque le Maire de l’époque qui défend « le bois de privilège » pour ses administrés dénonçait au contraire la Grésigne comme étant un des « biens privilégiés » (celui du Roi) qui échappait à la « taille » sur le territoire de la commune de Puicelcy,et qu’il convenait donc d’en faire payer l’impôt foncier à Louis XVI ! Ajoutant qu’il fallait auparavant faire arpenter la Grésigne au même titre que « les autres fonds privilégiés appartenant à Messieurs de Puysségur et de Tauriac et à Monsieur de la Mothe, possessions qui n’étaient pas allivrées et compoisées, ni cottisées avant la Révolution, et qui doivent l’être…ce qui soulagera d’autant nos propres impositions », remarque avec pertinence l’habile bourgeois marchand de vin Maffre Farjanel (7).
Tout autant que les Consuls des communautés grésignoles surent s’entendre à maintes reprises pour défendre ensemble les droits d’usage en forêt de leurs paroissiens devant le redoutable Parlement de Toulouse, les Maires de Puicelcy sous la Révolution, ainsi que leurs successeurs, demeureront les plus fermes soutiens d’une population locale majoritairement pauvre, prompte à la désobéissance, voire à la rébellion, pour exercer et défendre ses « privilèges » en forêt.
Bien que nommés ensuite par les tout-puissants Préfets de l‘Empire et de la Restauration, et donc sujets à révocation, les Maires et les Conseils municipaux grésignols, à leur tour, n’hésiteront pas à prendre au 19èmesiècle la tête de la révolte, pour défendre devant les tribunaux, dans des procès interminables, les droits et usages collectifs en Grésigne de leurs administrés, droits et usages dont les Lois napoléoniennes de 1804 et le Code Forestier publié sous la Restauration en 1827, décréteront la suppression définitive.
Les privilèges seront ainsi restés, pendant plusieurs siècles, les garants d’une forêt de Grésigne accessible et utile à tous, revendiquée comme étant le bien de tous, pleinement intégrée à son environnement humain et social. Transmis de génération en génération, ces usages coutumiers en Grésigne faisaient partie pour nos ancêtres de leurs représentations mentales aussi bien que de leur préoccupation permanente, de leur dur labeur quotidien et de leurs activités domestiques.
La résistance que les Grésignols et leurs représentants opposèrent à la suppression progressive de leurs droits d’usage, résistance à ce qui fut ressenti comme une spoliation marquée de punitions, d’amendes et de litiges, conduira à la séparation symbolisée par le fossé et le mur que Froidour avait faits établir sous les ordres de Colbert, et aboutira même à une rupture de fait entre le milieu rural et l’espace forestier dont les intérêts réciproques seront dissociés peu à peu sous la contrainte. L’équilibre agro-sylvo-pastoral des petits pays grésignols sera ainsi gommé peu à peu et mis aux oubliettes de l’histoire.
Les diverses communautés bénéficiaires de privilèges en forêt de Grésigne
A la fois souvenirs d’une liberté sans entrave au sein de ce qui restait d’une forêt hercynienne encore quasi-naturelle puis droits acquis par concession féodale que des seigneurs accordèrent collectivement aux serfs travaillant leurs terres en échange de la protection offerte par le château, mais aussi en contrepartie de l’assujettissement des divers tenanciers au ban seigneurial et au paiement du cens, les usages coutumiers en Grésigne reconnus par le nouveau propriétaire royal aux habitants riverains étaient variables d’une communauté à l’autre.
Les Consuls avaient à charge de faire respecter par leurs ressortissants l’utilisation stricte de ces droits tolérés comme étant des privilèges acquis, mais furent aussi conduits à s’en faire les garants tout autant que les défenseurs en faveur de la population des paroisses dont ils étaient les représentants face au pouvoir d’une administration monarchique et diocésaine de plus en plus prégnante et autoritaire.
Un rôle bien difficile pour les Consuls de nos communautés grésignoles qui les conduisit à se comporter moins en gardes-chiourme qu’en protecteurs bienveillants des populations dont ils avaient la charge ; population composée en large majorité de brassiers et d’artisans pauvres, prestes à la révolte lorsque le minimum de leurs besoins vitaux n’était pas assuré.
Cependant, nantis du pouvoir de police, les Consuls devaient aussi agir en fidèles gardiens de l’ordre établi pour les misérables sujets de Sa Majesté, dont on sait qu’ils avaient une vie difficile et que, taraudés par la faim en période de famine ou de disette, ils étaient vite enclins à outrepasser leurs droits et à devenir des insoumis dangereux malgré les sanctions individuelles ou collectives qui leur étaient appliquées.
Pour aussi prestigieux que fussent ces officiers royaux, les « gardes-au-bois » qu’ils dirigeaient, mal payés et aussi miséreux que la plupart des habitants de l’époque, avaient de temps à autre quelque propension à s’entendre avec les délinquants pour partager les bénéfices de leurs vols et chapardages en forêt.
Selon une expression reprise dans les écrits de l’époque, « ces gardes-au-bois mourraient de faim s’ils n’aidaient à voler le Roi » et selon un Mémoire du Marquis de Tauriac, au 18ème siècle encore, « l’on vole partout du bois en Grésigne et les plus grands voleurs sont les gardes qui s’entendent avec les habitants, le bois volé étant consommé dans la région ou porté à Montauban pour y être vendu » (8).
Les trois communautés riveraines de Grésigne les plus importantes par leur histoire et leur population, à savoir Puycelsi, Penne et Castelnau-de-Montmiral, furent celles qui, depuis le Moyen Age, se virent octroyer les droits d’usage les plus étendus en Grésigne tels que nous les avons déjà énumérés, privilèges dont leurs habitants profitèrent jusqu’aux jugements qui seront prononcés en 1667, à l’occasion de « la Grande Visitation et Réformationhttps://histoireforetgresigne.art.blog/2020/02/12/reformation-de-la-gresigne-jugements-et-sanctions-de-froidour-en-1667/ (9) », où ces communautés se verront sanctionner par Froidour comme nous le verrons ultérieurement.
Parmi les autres communautés voisines de la Grésigne titulaires de divers droits d’usage dans cette forêt, certaines qui n’étaient point limitrophes de la forêt se virent accorder ces « privilèges » de façon plus partielle et plus tardivement que les trois plus importantes communautés précédentes.
Ce fut le cas du Verdier dont les droits d’usage ne furent reconnus qu’en mai 1496, sous Charles VIII, moyennant un droit d’entrée de « 20 livres pour une fois seulement », plus une « albergue annuelle de 120 sols » (6 livres). Mais ces droits ne furent pas renouvelés après 1720 aux habitants de cette petite communauté de la vallée de la Vère.
Cette dernière date fut aussi celle de l’extinction des droits d’usage en Grésigne pour les habitants de la communauté de Vieux qui se prévalaient cependant d’un arrêt du Parlement de Toulouse du 24 mars 1496 pour pouvoir y ramasser le bois mort uniquement. Il en fut de même pour les familles de Saint-Beauzile et de Campagnac auxquelles ce même droit avait été reconnu et maintenu par Bartier, Grand Maître des Eaux-et -Forêts, le 23 mars 1492, moyennant « un droit d’entrée pour une fois de 10 livres » et une« albergue annuelle de 6 livres » en guise de location.
Avec Bruniquel, les communautés de Vaour et Campagnac ne figurent que rarement parmi celles dont les habitants pouvaient aller en Grésigne pour y exercer des droits d’usage. Mais leurs habitants ne s’en privaient pas pour autant puisqu’ils furent aussi sanctionnés par Froidour en 1667. En ce qui concerne les deux dernières localités, la forêt royale avait une importance moindre car elles avaient à leur disposition une forêt communale distincte de la Grésigne désignée comme étant les « Bois de Vaour » situés entre ces deux villages selon les cartes anciennes.
Les gentilshommes verriers de Grésigne, dévastateurs de taillis
Parmi les centres de production verrière du Languedoc, la Grésigne a été, dès la fin du Moyen Age, l’une des régions les plus renommées avec l’Ariège et la Montagne Noire. Au 17ème siècle, la Province de Languedoc comptait cinq départements verriers. Celui de Grésigne comprenait l’Albigeois, le Rouergue et le Bazadais jusqu’aux confins de l’Armagnac et était représenté par son syndic aux assemblées de la corporation qui se tenaient à Sommières en présence d’un viguier qui était l’agent royal chargé d’assurer la justice commerciale et de percevoir les droits afférents à diverses marchandises.
Le privilège de fabriquer et de travailler le verre fut exceptionnellement accordé aux nobles par Louis IX, et ce par dérogation aux principes de la noblesse pour laquelle étaient interdits tous travaux lucratifs et besogneux laissés au roturiers. Il s’agissait là d’une compensation consentie, de façon exceptionnelle, par le pouvoir royal à certains nobles qui s’étaient ruinés pendant la septième croisade de 1248 à 1254 en Palestine, d’où ils rapportèrent les secrets de cet art du feu (10).
Les familles de verriers en forêt de Grésigne
Dusse en souffrir quelque peu l’honneur des Grésignols, la vérité veut que, parmi les premiers verriers installés dans la région, figurent ceux qui se sont d’abord établis au nord de la Grésigne et en dehors de la forêt, ainsi qu’en attestent des actes notariés en 1409 pour Pierre Estève, Jean Colomb et Jean Trortol « etiam veyrerius » à Laguépie. Le même Jean Colomb se trouve également cité, la même année, comme verrier dans la belle et profonde vallée de Bonan qui part de Milhars pour remonter vers Roussayrolles, tandis qu’un certain Gilles Granier travaillait, dès 1434, « à la Veyrerie del Thoron » à Sommart (à 2 km du Riols, dans la commune de Saint-Martin-Laguépie) où se trouvent des affleurements de grès, roche utile à la fabrication du verre. Comme les de Robert venus d’Ariège, ce fut aussi une importante famille de verriers que ces Granier ou Grenier que l’on retrouvera disséminés, pour les uns à la « verrerie des Cabanes » à Saint-Beauzile en 1452, pour d’autres à la « veyrerie de Bonan » en 1453, à la « veyrerie del Crozes » à Laguépie en 1466, et pour d’autres encore, parmi leurs descendants, à la verrerie de « San-Peyre de Tréban » à Penne en 1491. Après quoi, devenus protestants, divers membres de cette famille Grenier, installés dans les verreries de Haute-Serre et de Fonblanque sur la commune de Penne, s’exilèrent en Angleterre suite à la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Trois frères Grenier de Haute-Serre (Commel 33 ans, Sarradère 30 ans et Lormande 26 ans), accusés de rébellion et de tentative d’assaut de la prison de Caussade où était détenu un de leurs amis huguenots, furent pris, condamnés à mort et exécutés en 1702 sur la place du Salin à Toulouse. De 1746 à 1790, dix membres de la famille protestante des Grenier ont obtenu la permission d’être enterrés au cimetière catholique de Penne. L’état des capitations de la communauté de Puicelcy signale encore en 1702 un sieur Charles de Grenier, verrier vivant à « Terride », et le premier registre d’Etat-Civil de la commune de Puicelcy mentionne enfin, en date du « 17 messidor An VI (6 juillet 1801), le décès à l’âge de 62 ans, de Simon, Joseph Granier de Terride, verrié, né en 1739 au lieu-dit Lavaur (11) ». On retrouve d’autre part l’alliance de cette famille par le mariage en 1764 de l’une de ses descendantes, Catherine de Grenier, avec Jean de Robert, qui firent ensuite baptiser leur fille Marie-Anne née à Haute-Serre, par convenance peut-être plus que par conviction.

L’apparition des premiers verriers signalés en Grésigne remonte donc à la seconde moitié du 14ème siècle, quelques années après un nouvel Arrêt royal de 1339 qui confirmait la réservation d’exercer l’art de la fabrication du verre aux seuls nobles, privilège renouvelé par une charte de 1438 édictée par Charles VII, puis par un autre arrêt de 1445 qui stipulait « que nul ne peut exercer le dit art de verrier s’il n’est noble et procréé de noble génération de verrier ». Ainsi s’explique le fait que les familles de gentilshommes verriers en Grésigne étaient alliées non seulement par des mariages fréquents mais se constituaient aussi en groupements de plusieurs verriers travaillant ensemble.
Tel était le cas de l’association entre les de Grenier de la verrerie de Fonblanque et ceux de Haute-Serre alliés avec les de Robert. Citons l’association des Noguier de la verrerie de Lafage œuvrant avec les de Grenier ou Granier de la verrerie des Cabanes, celle des de Suère, ancien syndic des verriers de Grésigne et propriétaire des verreries de Littre et du Sauze à Puycelsi (12).
Travaillaient plus ou moins ensemble également les Audouin, sieurs de Lassalle (anciens descendants des Audoyn de Périlhac où vivent encore non loin de là des personnes ayant pour patronyme le nom Audouy), parents avec les Audoin de Lyssard de la verrerie de Lyssard,verrerie créée par Jean Amoin (ce dernier cité dans le compoix de Puicelcy réalisé en 1678 peu après la visitation de Froidour). Non loin de la précédente, il y avait la verrerie de Merlins, autre atelier commun ayant ses vestiges abandonnés près de Mespel (commune de Larroque) dans la vallée du rio de Beudes, ruisseau se jetant dans la Vère à Saint-Martin d’Urbens.
L’indication du lieu où se trouvaient certaines de ces verreries figure encore sur les vieilles cartes géographiques, comme la carte du Canal de la Vère établie par Bourroul en 1750, mentionnant par exemple la verrerie d’Issart au-dessus de la petite chapelle Notre-Dame du Désert (église de Mespel) et comme la verrerie de Combalade située au Pas du Sauze où la maison des verriers se trouve toujours bien conservée avec une très belle porte ouvragée du 17ème siècle et un dallage authentique de grosses pierres plates constituant le sol de la cuisine.
Emouvant document de pierre aussi que ce verrier de Grésigne, souffleur de verre, gravé avec l’écusson portant ses armes sur le linteau de la porte d’une vieille maison datant du 14ème siècle située à Lassagne près de Lafage, au nord de la route allant de Saint-Beauzile à Vaour.
Autorisés à porter l’épée et le chapeau de velours, les gentilshommes verriers constituaient « une bien curieuse caste fermée et pittoresque pour lesquels l’art du verre ne dérogeait pas » (13). Ils étaient installés sur le pourtour de la forêt de Grésigne et y bénéficiaient d’un privilège royal pour les coupes de taillis dont l’abattage n’était que saisonnier. En effet, ces coupes leur étaient permises entre le 1er novembre et le 15 mai seulement, moyennant une « albergue » (droit de location) plus ou moins symbolique et dérisoire. Cette faveur, que de Froidour jugera scandaleuse et fera supprimer en 1666, assurait aux verriers un approvisionnement peu onéreux pour chauffer leurs fours en prenant du bois à proximité de l’endroit où ceux-ci étaient construits. La période hivernale au cours de laquelle les fours étaient mis en activité portait le joli nom de « réveillée » (14).
Les secrets d’une fabrication du verre et d’un art prestigieux
Selon de nombreux auteurs, il n’est pas exclu de penser que les premiers fours à verre, très rustiques, sur l’emplacement desquels furent repris des fours à chaux pour certains, et dont l’utilisation n’était qu’intermittente en fonction des saisons où la coupe du bois était permise, n’avaient qu’une brève existence liée au voisinage immédiat du taillis à exploiter. Ils étaient donc rapidement abandonnés pour être reconstruits ailleurs dans des secteurs nouveaux, aux lisières de la forêt où le combustible abondait sur place afin d’éviter ainsi un transport aussi difficile que coûteux.
La fabrication du verre a été l’un des grands faits économiques de la Grésigne. Elle relevait d’un savoir-faire et de procédés aujourd’hui perdus, réalisés dans des fours dont il ne reste que des vestiges épars où les ronces ont tissé leur trame épineuse ; fours rustiques souvent construits ou creusés en partie à même le sol. Il n’en subsiste que des pans de parois en pierres de taille, noircies ou vitrifiées par les cuissons successives. Souvent aménagés dans les dénivelés de talus, à proximité de ruisseaux ou de mares, chauffés avec des fagots ou des bûches de bois d’essences diverses, ces fours cylindriques permettaient d’atteindre et de maintenir une température de l’ordre de 1 000 à 1 100 degrés et au-delà, chaleur nécessaire à la mise en fusion d’un mélange à base de silice et d’oxydes métalliques divers, comprenant, d’une part les sables blancs ou roux provenant vraisemblablement du grès pilé pris dans diverses carrières de grès rouge ou encore au niveau d’ affleurements de grès blanc (à Mongach ou à Haute-Serre par exemple), d’autre part un fondant composé avec le matériau gréseux par les cendres provenant de la combustion de bois d’essences diverses et de fagots de bruyère, brûlés à même le four et contenant du sodium, du potassium, du calcium ou du magnésium (15). Les combinaisons métalliques oxydées permettaient d’obtenir, avec d’autres oligo-élements contenus dans des cendres végétales dérivant de la combustion d’espèces végétales mélangées selon certaines proportions, une gamme de coloration des verres caractérisée par des tons bleutés à violacés constituant, pour chacun des verriers de Grésigne, l’un des secrets de fabrication.
Certes, les verriers de Grésigne fabriquaient aussi des objets utilitaires en verre blanc ou coloré, tels que bouteilles, bonbonnes ou autres récipients rustiques destinés à mettre de l’huile ou du vin. Mais c’étaient aussi des artistes créant des formes harmonieuses pour de multiples flacons, burettes, « pourrous » (flacons permettant de boire à la régalade) et autres bouteilles à la panse renflée, arrondie ou quadrangulaire, aux reflets transparents et enchanteurs. Nos verriers savaient aussi décorer les objets en verre creux qu’ils façonnaient avec l’aide de la canne à souffler, là d’un modeste bourrelet en relief ou d’une gracieuse collerette entourant le col d’un carafon, là encore d’un curieux oiselet inattendu surmontant l’anse d’une cruche…
Ce sens de la création artistique, allié au titre de noblesse de ces gentilshommes portant l’épée mais travaillant au fond des bois dans l’alchimie mystérieuse de la pâte de verre en fusion, n’ont pu engendrer chez nos contemporains qu’un regard mythique sur les aspects d’une forêt de Grésigne, sauvage et isolée, où des artistes verriers travaillaient en secret.
Ainsi que les moines du Haut Moyen Age ont emporté avec eux les secrets de l’art de l’émail qu’ils tenaient de civilisations plus anciennes d’Egypte et d’Orient, les gentilshommes verriers de Grésigne restent aujourd’hui entourés de l’aura du secret de l’utilisation de la fougère, plante abondante en forêt, aux cendres riches en sels de potassium, ou bien de la salicorne, plante provenant des bords de la Méditerranée, aux cendres riches en sels de sodium, pour obtenir des verres blancs transparents ou bien des verres aux tons colorés du vert au bleu et du violet au noir. Le résultat de ce travail est conservé dans divers musées.
Les vestiges des anciennes verreries en bordure de Grésigne
Les vestiges des anciennes verreries sont rares et peu nombreux en forêt de Grésigne, car le temps et les hommes ont participé à la destruction de ces lieux où les fantasmes de collectionneurs restent encore attisés par la présence de quelques tessons de verre mélangés à la terre. Même dans les brocantes, la trouvaille d’objets en verre de Grésigne est exceptionnelle aujourd’hui: les belles pièces en verre de Grésigne sont précieusement conservées, soit par des particuliers qui consentent à les montrer à l’occasion d’une exposition passagère, soit dans les collections non moins remarquables qui sont détenues par les musées des villes de Lisle-sur-Tarn, d’Agen, d’Albi ou de Montauban par exemple.
On pourrait s’étonner du faible nombre de verriers que sanctionna Froidour en 1667, en supprimant leur privilège de se fournir en bois de chauffe en échange du paiement « d’une albergue de 50 livres », tolérance qualifiée de « faculté abusive » qui amena le commissaire royal à obliger derechef « ces dévastateurs de taillis » à « user du bois des ventes », c’est-à-dire à acheter leurs coupes de bois en participant aux adjudications des lots mis en vente en forêt. Ces ventes étaient organisées selon les nouvelles dispositions et règlements que fixa l’administration sur les directives établies par Froidour lui-même, en serviteur zélé du Ministre Colbert, Contrôleur général des Finances du Roi Louis XIV.
Il n’y avait en effet que quatre verreries en activité en lisière de Grésigne au moment de la Visitation préparant la Grande Réformation des Eaux-et-Forêts et des jugements de Froidour qui s’ensuivront en 1666-1667. Les quatre gentilshommes verriers qui feront l’objet de la colère de Froidour sont les « sieurs Amoin établis à Lissac » (L’issart près de Mespel (?)), « Garnier de Bernoze » (Grenier de Bernoue (?) situé dans la Commune de Vaour), « Foulaquier à Merlens » (Filaquier à Merlins) et « David Delriol, sieur de Lasbordes ».
Parmi les verreries les plus récentes, on en dénombrait encore cinq au moins en 1725 et seulement quatre en 1753 :
- les verreries situées dans la communauté de Puicelcy, à savoir celle du Sauze nommée aussi de Combalade (16) qui fut créée en 1684 à l’entrée de la forêt au bord de la route venant de Puycelsi et qui fonctionna jusqu’en 1814, bien après celle de Littre que l’on mentionne dès 1568 mais qui est encore mentionnée en activité de 1725 à 1778. Quant à la verrerie de Lyssard, qui figure alors au lieu-dit La Verrière au bord du ruisseau de Beudes, à un km au nord de Mespel sur la commune actuelle de Larroque (dans les anciens bois appartenant à la famille de Tholosani), elle est signalée en 1639 et 1660, jusqu’en 1685 seulement, tandis qu’une autre verrerie située plus en aval, à Merlins, était dirigée de 1666 à 1676 par le verrier Pierre de Filiquier, descendant d’une famille de verriers auvergnats qui se retira à Montrozier après sa vente à Antoine d’Amoin,
- les verreries situées dans la communauté de Penne à savoir celle de Lassagne (1696 à 1766) au bord de la route de Haute-Serre à Bruniquel, et celle de Fontblanque (de 1635 à 1666, puis de 1695 à 1748),
- les verreries situées sur la commune de Vaour, à savoir celle de la Verrerie Basse et celle(s) de Haute-Serre. Cette dernière verrerie (certains disent qu’il y en eut plusieurs), déjà citée au 15èmesiècle, fonctionna jusqu’en 1850,
- une seule verrerie, celle du Pech de l’Aigle, fonctionna un temps au centre de la forêt. C’était l’une des plus perfectionnées, aussi bien par la conception de son four plus réduit où étaient placés des creusets pour recevoir le verre en fusion, que par l’utilisation plausible du charbon de bois comme combustible. Ce qui permit à cette verrerie d’être gratifiée par un avis favorable en 1786 pour y faire, en plus des objets en verre creux soufflé, une « glacerie » (17) dont on ne peut dire cependant si l’ambitieux projet aux techniques plus élaborées put aboutir ou non.
En résumé, du 14ème au 15ème siècles, la création de verreries en bordure de Grésigne fut limitée à un nombre de une à trois par siècle, de sorte qu’au cours du 16èmesiècle, le nombre de verreries en activité pouvait s’élever, au maximum, à une dizaine, comme c’était le cas pour celle de Cabanes près de Saint-Beauzile (signalée dès 1451 jusqu’en 1552), celle de Mongach (1496 à 1549), celle de Grattegaline près des Abriols (1495 à 1531), celle de Saint-Palavy près de Périlhac (1553 à 1574), celle de Littre dite aussi verrerie de Fromentals (1568 à 1637) située à la lisière sud de la forêt à la limite des communes de Puycelsi et de Montmiral.
Au milieu du 17èmesiècle, quatre verreries font encore l’objet d’amendes infligées par le Parlement de Toulouse à la suite des procès que Froidour intenta aux gentilshommes verriers. Il est évident en effet que lors de sa visitation effectuée en Grésigne en 1658, le Grand Maître des Eaux-et-Forêts Froidour considéra la présence des verriers comme l’une des causes du désordre et du pillage en Grésigne. Dans son rapport, Froidour exprimait en effet son regret de voir « que l’on ait même souffert l’établissement de plusieurs verreries aux rives de la forêt dont les Gentils Hommes, moyennant une albergue ou redevance de cinquante livres, avaient liberté de prendre du bois autant que bon leur semblait »(18).
Mais le déclin des verriers de Grésigne sonna définitivement dès que le Marquis de Solages eut l’autorisation au 18èmesiècle de fabriquer du « verre de rôture » avec du « charbon de terre » dans sa verrerie installée à « Cramaux » en 1754. La concurrence sera alors fatale au « verre noble » produit par les derniers gentilshommes verriers en Grésigne, parmi lesquels ceux de la famille de Suère qui fermeront leur verrerie du Sauze à Puicelcy en 1814, tandis que les descendants des de Robert arriveront à survivre dans la verrerie de Haute-Serre jusqu’en 1850.
L’aventure des verriers aura donc duré en Grésigne 500 ans environ (de 1350 à 1850) mais leur âge d’or n’aura été que celui qu’aura duré leur privilège d’utiliser le bois de la forêt du 14ème au 17ème siècle. Malgré la suppression définitive de leurs privilèges en 1667 par Froidour qui les obligera à participer aux adjudications des coupes de bois mises en vente en Grésigne et malgré l’exil que choisiront de nombreux fils de verriers protestants, à l’instar des de Grenier ou de Robert après la Révocation de l’Edit de Nantes le 18 octobre 1685, quatre à cinq verreries fonctionneront au cours du 18ème siècle. Et ce ne seront plus que deux verreries seulement qui poursuivront leur production en Grésigne pendant la première moitié du 19ème siècle.
Autres dons et droits d’usage en Grésigne accordés aux particuliers
Hors des habitants des communautés riveraines et des verriers, divers ordres monastiques de la région proche ainsi que d’autres particuliers avaient pour les uns obtenu des dons et, pour les autres, avaient acquis des privilèges de type corporatif en Grésigne.
Il semble que les dons à titre gracieux n’aient pas toujours été faits en nature, mais quelques fois en argent. Ce fut le cas « d’un don de 200 livres à prendre sur les revenus de la Grésigne », don fait le 23 septembre 1365 par Louis d’Anjou (frère du Roi Charles V) et par le Lieutenant général du Languedoc, en faveur du Chapitre de l’Eglise Sainte-Cécile d’Albi pour la construction du clocher de leur cathédrale.
Le Roi François Premier dont on sait combien les consuls de Gaillac tinrent à le recevoir en leur ville avec faste, mais non sans des vues désintéressées, leur accorda, le 22 février 1521, un droit dit de « gaudence », c’est-à-dire le droit d’être adjudicataires prioritaires afin que, chaque année, « les manants et habitants de Gaillac, pour faire leurs dites pipes et barriques et autres vaisseaulx à eux nécessaires pour leurs dits vins et non à autres, puissent acheter 150 arbres dans ses forêts de Grésigne et de Giroussens depuis les avents de Noël jusqu’à la fin du mois de Février ».
Cette autorisation était accordée aux vignerons de Gaillac avec les clauses habituelles de tous les privilèges en Grésigne : l’entrée en Grésigne pour faire les coupes était ainsi limitée pour les « Rois de la poude » à deux mois environ seulement, et les bois devant être obligatoirement retirés de la forêt dans ce laps de temps car ne pouvant être vendus ou commercialisés puisque expressément réservés aux seuls besoins personnels de l’usager en matière de futaille.
Vexations et chicanes pour les privilèges des communautés
D’un côté, les communautés grésignoles et leurs consuls défendaient l’intégrité des divers droits d’usage de leurs ressortissants qui trouvaient dans la forêt une source précieuse de bois de chauffage, mais aussi de bois d’œuvre pour la construction des maisons, ainsi que de pacage et d’herbage pour la nourriture de leurs animaux, de l’autre, l’administration royale ne voit dans ces usages abusifs pratiqués par la multitude des manants habitant les villages alentour que licence, pillages et vols, mettant en danger la gestion de la forêt du Roi.
Les riverains ayant droit d’accès en Grésigne deviendront en effet de plus en plus nombreux. Ce sera dû à une démographie importante retrouvée au cours du 16ème siècle après la Guerre de Cent Ans qui conduira à la première grande Réformation de la Grésigne en 1542 sous François Premier, mais aussi vers la moitié du 17ème siècle après le désastre des Guerres de Religion qui conduira à la grande Réformation de Froidour en 1666 sous Louis XIV. Le recensement établi par le Diocèse d’Albi en 1709,vingt ans après le petit âge glaciaire indique que les seules populations de Castelnau-de-Montmiral, Puicelcy et Penne étaient estimées à 3 611, 2 310 et 2 208 habitants, soit une population grésignole sensiblement égale à celles des années 1542 et 1666.
Déjà, pour protéger ses forêts, le 14 août 1331, au début de la Guerre de Cent Ans, le Roi Philippe VI de Valois avait désigné Guillaume de Villiers (dénommé aussi Villars) à titre de Commissaire Enquêteur pour les Eaux-et-Forêts. Rappelons que cet agent royal convoqua à Toulouse les Consuls de Puycelsi, de Penne et de Castelnau-de-Montmiral en avril et mai 1332, à tour de rôle, pour régler des situations conflictuelles. Les trois Consulats précités obtinrent la « confirmation du don volontaire fait par les gens du Roi aux habitants », mais ce fut selon des modalités différentes car l’on savait déjà qu’il fallait diviser pour régner ! Les habitants de Penne et de Puycelsi se virent ainsi reconnaître des droits de pacage et d’herbage qui furent refusés à ceux de Montmiral. Les « droits d’entrée » furent aussi négociés au cas par cas selon des rapports de force différents ou préférentiels puisque Castelnau-de-Montmiral écopa de « 250 livres de Tournois petits », tandis que Penne put négocier « 150 livres d’entrée à régler en trois termes », plus une « albergue de un marc d’argent » (taxe annuelle).
Quant à Puicelcy, en date du 6 avril 1332, le Consulat se vit seulement imposer de « 100 livres de tournois petits payables en deux termes une fois pour toutes » pour confirmer les droits déjà reconnus en 1308 à cette communauté englobant alors Larroque, Mespel et les Abriols, plus une redevance annuelle de « 30 sols payables à Noël », albergue qui sera portée à 37 sols en 1720, mais qui ne sera plus que de 23 sols sur les comptes du budget consulaire de Puicelcy en 1788. Cette diminution de l’albergue de 37 à 23 sols deux ans avant la tourmente révolutionnaire tenait compte de la suppression des « droits de glandage » pour les « Puicelciens » de l’époque, bien que les gardes n’arrivèrent pas cette année-là à se faire respecter d’une « trentaine d’entre eux portant un sac de glands sur la tête et disant qu’on ne les empêcherait pas » de ramasser des glands en Grésigne !
A l’encontre des griefs et revendications des communautés riveraines qui se plaignaient de la conduite tatillonne que leur faisaient subir les officiers forestiers royaux, les divers droits d’usage faisaient l’objet de continuelles remontrances et sanctions. C’est autour de la fameuse « table de marbre », à Toulouse, que les Consuls des communautés grésignoles étaient convoqués par les représentants royaux des Eaux-et-Forêts qui avaient droit de haute et basse justice sur les affaires de Grésigne et les délinquants. A l’occasion de chacun de ses renouvellements, « la confirmation faite par le Parlement de Toulouse ou par lettres patentes du Roi aux Consuls », en 1538, 1545, 1559, 1606, 1627, 1660 pour les dates qui concernent par exemple Puicelcy, conduisait l’administration forestière à réduire l’étendue des privilèges dans tel ou tel secteur de la forêt tout en proposant une augmentation du tarif des droits d’entrée.
Toutes les démarches de l’administration des Eaux-et-Forêts pour limiter les droits d’usage en forêt provoquèrent de virulentes oppositions. Les délibérations consulaires de Puicelcy, en date du 27 octobre 1596 et du 25 février 1597, se font l’écho des pourparlers qui eurent lieu avec le Grand Maître des Eaux-et-Forêts du Languedoc à cette époque, François de Caulet, seigneur de Cadars, au sujet des droits à payer pour l’exercice des droits acquis par les habitants de leur communauté en Grésigne. Et, se plaignant d’avoir certains de leurs droits d’usage non reconnus, les Consuls de Puicelcy n’hésitèrent pas à plaider la défense des privilèges de leurs habitants auprès du Parlement de Toulouse lequel, dans son arrêt du 8 avril 1614, confirma la maintenance de leur privilège au bois de chauffage.
Remise en cause des privilèges en forêt de Grésigne aux 16ème et 17ème siècles
Comme nous allons en voir les divers aspects, la Grésigne fera l’objet de deux grandes « Réformations », à savoir celle conduite par le Commissaire Jean Bardon en juin 1542 et celle conduite par Froidour de 1658 à 1666. Si Jean Bardon était un juriste qui appliqua une réforme modérée des divers droits d’usage en Grésigne avec les conclusions d’un jugement qui fut au demeurant supprimé et remis en question par le Tribunal de Rouen en 1545, Froidour était un grand forestier qui, à la différence de son prédécesseur, parcourut pendant une semaine la Grésigne pour en noter la dégradation. Devant le spectacle d’une forêt abandonnée au pillage et saccagée par les riverains, Froidour constatait lors de sa visitation en Grésigne en 1658 que « jamais il ne s’y est fait aucune coupe réglée ». Le Grand Maître des Eaux-et-Forêts envoyé par Colbert mettait en effet l’accent dans son rapport sur l’impossibilité qu’il y a eu, jusqu’à sa venue en Grésigne, de faire respecter des coupes rases « par arpent, d’autant plus nécessaires en cette forêt que pour la faire revivre, il est à propos de la recéper entièrement ».
Cette dernière remarque prouve la faiblesse et l’impuissance des agents d’une administration royale qui ne pouvaient pas faire appliquer les prescriptions ayant trait à des coupes anarchiques. Froidour devait même noter dans son rapport que « les habitants des lieux de Puicelcy, Penne, Castelnau de Montmiral, Verdier, Saint-Beauzile, Vieux, Lamotte et Rouyré, qui se prétendaient usagers, ou pour mieux dire, qui sous prétexte de leur usage prétendaient être les propriétaires de la forêt, y ont apporté tant d’obstacles , tantôt par la violence, tantôt par chicanes et par poursuites qu’ils ont faites au Parlement et même au Conseil, qu’il leur a été impossible de faire réussir leurs bonnes résolutions « .
Ces observations publiées lors de cette période où Froidour préparait « la Grande Réformation des Forets » de 1658 à 1667, sont particulièrement éclairantes de l’attitude de rébellion que les habitants misérables des communautés grésignoles adoptaient vis-à-vis d’une administration royale des Eaux-et-Forêts. Il est vrai qu’à cette époque, dans diverses autres provinces, les paysans fomentaient des révoltes anti-fiscales contre la taille et la gabelle. Mais Colbert et ses Intendants vont prendre des mesures adaptées pour poursuivre la mise en place d’une administration plus efficace dans une monarchie française qui va devenir la plus puissante d’Europe. Les abus des manants et des nobles seront sanctionnés en Grésigne par de lourdes amendes que Froidour infligera sans pitié à tous les délinquants, pour asseoir la Réformation générale édictée par l’Ordonnance des Eaux-et-Forêts d’août 1669.
Un autre Mémoire, établi un siècle plus tard, en 1754, par « la Maîtrise des Eaux-et-Forêts de Villemur à l’occasion de l’établissement du projet de la construction du Canal de la Vère », et « le contrat de mise en affermage de Grésigne au Comte de Maillebois » par les Lettres Patentes de Louis XV, en 1770, attesteront la remise en état progressive de la forêt et l’existence de belles futaies à merrain en Grésigne.
En quelque cent années en effet, entre 1658 et 1754, mais un siècle n’est rien dans l’histoire d’une forêt, l’installation d’un pouvoir royal absolu et la montée d’un centralisme fort vont s’exercer à obtenir un contrôle de plus en plus sévère des droits d’usage locaux en Grésigne pour y rétablir l’ordre et le respect d’une meilleure gestion forestière.
En guise de conclusion à ce chapitre…
Faisons le point sur l’histoire de la forêt de Grésigne féodale et royale, du Moyen Age à la Révolution, telle que nous venons d’en évoquer divers aspects que nous avons regroupés en la qualifiant de « forêt-cueillette : une forêt pour tous », un titre qui ne devrait pas cacher les tensions, voire les violences, opposant les parties en présence, d’un côté la population des communautés périphériques gérées par des Consulats, de l’autre les représentants de l’administration des Eaux-et-Forêts, première administration royale créée par Philippe IV le Bel dès 1285.
L’histoire de la Grésigne repose en effet sur une dualité : celle d’une représentation du menu peuple des pays grésignols qui conçoit la forêt comme un espace naturel faisant partie des biens communs au même titre que l’eau et que l’air qu’il respire, totalement opposée à celle d’une vision de la forêt régentée comme un espace juridique, géré à des fins financières pour garantir au Roi le revenu le plus élevé possible.
Il en résultera une opposition entre le pouvoir local des Consuls, en prise directe avec la grande pauvreté de ses administrés, et le pouvoir central détenu par le personnel des Eaux-et-Forêts et défendu par la justice du Roi avec pour objectif la confiscation des privilèges au détriment des « manants » constituant le peuple.
C’est ce que nous confirmeront les Réformations de Jean Bardon en 1542 sous François Premier puis celle de Louis de Froidour en 1666 sous Louis XIV. Réformations que nous détaillerons dans les chapitres suivants. Nous verrons ensuite que l’enclavement de la forêt de Grésigne ne pourra être résolu qu’un siècle plus tard par le projet du canal de la Vère établi par Bourroul en 1750 sous Louis XV et ce, malgré l’inféodation de la Grésigne au Comte de Maillebois. Cette inféodation sera soutenue par un rapport des officiers de Eaux-et-Forêts de Villemur publié en 1758 sur l’état de la forêt et la vente de ses bois, ce qui n’évitera pas la ruine de ce haut personnage quelques années avant la Révolution, après de nombreux déboires que nous nous efforcerons de démêler.
1.Edmond Cabié « Droits et possessions des Comtes de Toulouse en Albigeois », page 17
2.Raymond Granier, communication sur « La forêt de la Grésigne : des origines au 17ème siècle » parue en 1966 dans le Bulletin Philologique et Historique de la Bibliothèque Nationale (pages 225-258)
3.Le cens était « une rente féodale qui pesait sur un bien-fonds, la censive ». Le cens était, soit « quérable et perçu sur place par le Seigneur », soit « portable au domicile du Seigneur ». L’acapte était le droit dû lors du décès du seigneur direct ou du tenancier. (Guy Cabourdin et Georges Viard, « Lexique Historique de la France de l’Ancien Régime », Paris, 1992)
4.Elie-A Rossignol « Monographies communales du Département du Tarn », 1865. Tome 3, page 385 (Extrait des archives de Montmiral DD3)
5.Gustave Farenc « Flore occitane du Tarn », Agen, 1973
6.J-C Rameau, D. Mansio et G. Dumé « Flore forestière française », Paris, 2008. Cette plante était déjà fortement utilisée à cet usage en Grèce ancienne (cf. Hésiode)
7.Premier maire de Puicelcy de 1790 à 1791 figurant parmi les riches propriétaires avec la famille Bonnavencq de Laval dont la fille se mariera avec un de Tholosany, lesquels feront construire le château du village de Larroque
8.Note citée par le Général Féral au cours d‘une conférence faite le vendredi 13 décembre 1935 à l’Académie des Belles Lettres du Tarn à Albi (« Revue du Tarn », année 1936, page 102)
9.La « Grande Réformation » des forêts françaises est due à l’initiative de Colbert qui, par un Arrêt du Conseil d’Etat du Roi du 17 novembre 1661, fixa les règles d’exécution du renouveau de la forêt. Une instruction de l’Intendant des Finances Colbert du 10 mars 1663 détermina une règlementation contraignante mais efficace à long terme qui, après inventaire, donnera un nouveau départ à nos forêts pour un siècle et plus (voir Jean Prax, Actes du LVIème Congrès de la Fédération d’Histoire du Languedoc, Montpellier, 1984, pp 33-48)
10.Ce détail, rapporté par Monsieur Jean Gondran de Robert (Cf p 16 de la plaquette éditée pour le Centenaire de la Verrerie Ouvrière d’Albi par le Musée Albigeois Toulouse Lautrec en 1996, plaquette intitulée « Verres et verreries » qui traite de la production de verre dans le Tarn du 17ème au 19ème siècle), trouve sa source dans le compte-rendu de la dernière assemblée générale des Verriers du Languedoc avant la Révolution en 1753 où leur syndic général doyen Jean de Robert rappela les origines de ce privilège royal qui fut ensuite règlementé par un statut de gentilhomme-verrier par acte de Charles VII en 1445 dit « Charte de Sommières »
11.Le lieu-dit Lavaur est situé sur l’actuelle propriété du Département du Tarn à Puycelsi (Ferme du Roc), à l’extrémité nord du Verger Conservatoire, où se trouvent encore les ruines de ce qui fut aussi peut-être une ancienne verrerie plus ou moins temporaire
12.Nous avons retrouvé sur le premier registre d’Etat-civil de Puicelcy mention de l’une de ces associations de verriers travaillant ensemble dans la même verrerie au Sauze (« Verrerie du Sauze dite aussi de Combalade » selon la carte du canal de la Vère dressée par Bourroul en 1748), à l’occasion de la naissance d’un petit François de Suère le 10 nivôse an V (31 décembre 1796) que vient déclarer son père « François de Suère, maître de la verrerie du Sauze», accompagné par deux autres gentilshommes verriers travaillant à Puicelcy sous la Révolution qui lui servent de témoins, à savoir « Antoine de Lafage, Maître verrier, et Jean Coulon Laprade, verrier, tous deux travaillant à la verrerie du Sauze »
13.Conférence ayant pour titre « La Forêt en Marche » in « Lucien Naves, Paysan du Ségala «, Rodez, 1970, p201 et ss
14.La « réveillée » est le nom de l’association actuelle regroupant les descendants des verriers du Haut-Languedoc
15.A titre d’exemple, le hêtre laisse en brûlant 0,55 % de son poids en cendres contenant 68% d’oxyde de calcium ou de magnésium, 20% d’oxyde de potassium ou de sodium. Quant aux fougères, elles produisent 6% de leur poids en cendres qui renferment 22% d’oxyde de calcium ou de magnésium et 47% d’oxydes de potassium ou de sodium. Ce sont ces oxydes qui donnent au verre ou aux émaux obtenus des couleurs différentes, selon des proportions secrètement conservées pour obtenir les verres bleutés ou violacés de Grésigne
16.La carte effectuée par Bourroul pour établir le tracé du Canal de la Vère en 1748 mentionne les emplacements respectifs de la « Verrerie de Combalade ou du Sauze » ainsi que la « Verrerie d’Issart », celle-ci située au bord du ruisseau de Beudes qui se jette dans la Vère à proximité de l’Eglise de Saint-Martin d’Urbens
17.Lieu de fabrication de glaces et miroirs « Instruction pour les Ventes des Bois du Roy, par Monsieur de Froidour, imprimé à Toulouse par Raymond Bosc en MDCLVIII (1658) avec privilège du Roy », pp 53 et 54Op. cit. p 51
18.Jean Donat, « Le Mouvement Protestant et l’Edit de Révocation à Saint-Antonin », Toulouse, 1932