La forêt de Grésigne, dont il est question dans cette étude sur son histoire, ne peut pas être considérée comme un territoire inaccessible et replié sur lui-même. Son histoire démontre que, même dans les périodes les plus terribles, le « sanctuaire » de la Grésigne vivait en symbiose avec son environnement naturel et humain.
Mais, de nos jours où le tourisme a pris une ampleur insoupçonnée, il serait vain d’imaginer que la Grésigne et ses quelque 3 500 ha, avec leurs nombreuses richesses écologiques, seraient un attracteur suffisamment puissant pour justifier à elle seule l’arrivée de touristes pour des vacances, un week-end voire quelques heures. Le touriste attend désormais un panel d’offres parmi lesquelles choisir, en fonction de son âge, de la météo, de ses moyens de locomotion, de ses capacités sportives etc.
Parmi toutes ces possibilités, il apparaît que, outre le potentiel en logements, l’accès à l’eau est désormais incontournable et toute politique de développement du tourisme local qui viendrait à l’omettre connaitrait l’échec. Certes, on trouvera des exceptions dans des couples produits/marchés bien spécifiques (haute-montagne, visites de centres historiques…) mais lorsqu’on veut offrir un ressourcement à une famille avec enfants jeunes – qui est généralement la cible du tourisme rural – l’accès à l’eau est une obligation. Ainsi s’explique le principe de création de la Base de Loisirs Vère-Grésigne en périphérie immédiate de la forêt de Grésigne, près du Pas de Castelnau.
La création en 1985 de la Base de Loisirs Vère-Grésigne s’inscrit dans l’évolution du contexte grésignol d’un petit pays situé entre le Cordais et la moyenne vallée de l‘Aveyron. Elle dépend plus directement de la coopération intercommunale organisée par le Syndicat à Vocations Multiples (SIVOM) des douze communes du canton de Castelnau-de-Montmiral.
Au cours des années 1985-1992, la Base de Loisirs Vère-Grésigne, en périphérie immédiate de la forêt de Grésigne, bénéficiant d’une fréquentation estivale de 20 à 25 000 personnes, a fortement participé à l’animation du GREAVI des trois cantons de Cordes, Vaour et Castelnau-de-Montmiral dans les causses nord-ouest du Tarn.
Plus de 30 ans après sa création, la question s’est posée de savoir quelles fonctions et animation la Base Vère-Grésigne devait jouer au sein de la Communauté d’agglomération Gaillac-Graulhet qui en est devenue le nouveau propriétaire, prenant la suite du SIVOM et de la Communauté de Communes Vère-Grésigne.
Après avoir rappelé les éléments et les conditions qui ont présidé à la création et au fonctionnement initial de la Base Vère-Grésigne, je poserai la problématique de ces nouvelles dispositions susceptibles d’être organisées dans un contexte institutionnel, socio-économique et culturel bien différent des années 1980-1990.
1 – Vallée de la Vère, pays grésignol et causses nord-ouest du Tarn
Au cours des années 1970-1980, le tourisme est apparu comme un facteur important du développement des communes rurales situées dans les cantons de Castelnau-de- Montmiral et de Vaour alentour de la Grésigne. La proximité géographique du site de Cordes-sur-Ciel de plus en plus visité dès les années 1950-1955 avec une renommée dépassant les frontières françaises, eut des retombées favorables sur nos villages grésignols. En même temps, le renouveau touristique de la pittoresque vallée de l’Aveyron, que jalonnent les châteaux haut-perchés de Najac, Saint-Martin-Laguépie, Penne et Bruniquel, contribua à augmenter la fréquentation des villages riverains de la Vére et limitrophes de la Grésigne comme Puycelsi, Larroque et Castelnau-de-Montmiral jusque-là délaissés.
En donnant les noms évocateurs de « Maisons du Grand Fauconnier, du Grand Ecuyer, de Grand Veneur » aux plus belles maisons de Cordes et en confiant en 1840 à Viollet-le-Duc la restauration du vieil Hôtel de Ville de Saint-Antonin, Prosper Mérimée, chargé de l’inspection des monuments historiques, avait déjà assis la vocation touristique de ces deux petites villes. Pour l’une, cette vocation fut accompagnée par l’attrait du thermalisme, tandis que l’une et l’autre furent désenclavées par la ligne de chemin de fer Montauban-Capdenac-Brive-Paris inaugurée en 1858, puis par la ligne Lexos-Toulouse quelques années plus tard.
Tandis que Cordes bénéficia jusqu’en 1926 de la broderie réalisée avec les machines Saint – Gall importées de Suisse en 1870, la très ancienne fréquentation des eaux de Saint-Antonin et de Féneyrols reprit au cours des années 1880-1910 après la guerre de 1870. Leur renommée très ancienne se confirma au cours des années 1920-1940 puis dans l’entre-deux guerres mondiales, période au cours de laquelle des structures hôtelières de qualité y furent aménagées. Isolé, le pays grésignol subissait de plein fouet un exode rural important qui conduisait à l’abandon les communes limitrophes de Grésigne. Le choix de Puycelsi et de Vaour pour installer un lotissement de harkis en 1961 à la fin de la guerre d’Algérie, est significatif de leur désolation, sinon de la désertification croissante de ces deux communes s’étendant au sud et au nord de la Grésigne.
Heureuse initiative fut cependant le remplacement de la voie ferrée Montauban-Lexos en 1955 par la belle route du CD 115, avec ses ponts et ses tunnels qui lui donnèrent le nom de route touristique. 30 ans plus tard, cette route sera empruntée en partie par le « Circuit des Bastides », balisé tout autour de la Grésigne. Ce nouvel axe routier qui longe la vallée de l’Aveyron, très fréquenté en été, permet de joindre Bruniquel au CD 964 Gaillac-Caussade qui borde le sud de la forêt.
Ainsi, ce désenclavement, quoique tardif, relie désormais les villages grésignols de la basse vallée de la Vère Puycelsi, Larroque et Montmiral à l’autoroute A20 Paris -Toulouse à partir de Caussade ou de Montauban, et à la voie rapide Rodez-Albi-Toulouse à partir de Gaillac.
L’essor de la voiture individuelle et les aménagements de ces diverses voies de communication allaient donc favoriser la desserte de la basse vallée de la Vère et faciliter l’accès aux villages grésignols ainsi qu’à la forêt de Grésigne, en particulier pour la population urbaine croissante du triangle Toulouse-Albi-Montauban, au cœur de l’Occitanie.
Non loin de Cordes et de Saint-Antonin, l’antériorité touristique de Najac et de son prestigieux château féodal fut confirmée, dès les années 1970 à 1980, par la création de plusieurs villages de vacances représentant 2 000 lits destinés à accueillir de nombreux hollandais dont les visites participèrent à faire connaître toute notre région située autour de la Grésigne entre Bas-Albigeois, Bas-Rouergue et Bas-Quercy.
A partir des années 1960, lors de la période dite des « Trente Glorieuses », la multiplication des résidences secondaires fut un mouvement général. Il allait contribuer au renouveau de nos villages et hameaux grésignols, grâce à la remise en état de nombreuses maisons et granges plus ou moins abandonnées du fait d’un exode rural massif.
On comptait par exemple 172 résidences secondaires à Puycelsi en 1980 sur 343 logements au total ! Proportions semblables à Larroque et à Penne !
Profitant des congés payés, de nombreuses familles urbaines des villes voisines, voire même plus éloignées, certaines hébergées par leurs parents, venaient avec leurs amis passer leurs vacances dans ces causses où elles grossissaient un flux important de résidents secondaires.
De façon plus originale, l’arrivée inattendue de jeunes soixante-huitards (à l’époque appelés « Hippies ») s’installant en 1968-1970 autour de la Grésigne, surtout dans les villages de Penne, Puycelsi, Larroque et Vaour se traduisit par des projets souvent innovants dans les domaines artisanal et agricole ainsi que dans le domaine culturel avec « L’Eté de Vaour» et le son-et-lumière à Penne.
Par ailleurs, suivant l’exemple des agriculteurs bavarois qui les proposèrent aux Allemands du nord dès 1970, seront aménagés dans nos campagnes de nombreux gîtes ruraux et chambres d’hôtes ainsi que des campings à la ferme, subventionnés par le Département du Tarn. Avec l’objectif complémentaire de mettre en valeur un patrimoine rural souvent délaissé, il s’agissait de favoriser dans le même temps une fonction d’accueil touristique dans le cadre d’une « agriculture familiale pluriactive » ouverte sur de nouvelles relations villes-campagne, axées sur de nouveaux loisirs et la promotion de produits locaux ; toutes activités nécessaire à l’amélioration du revenu agricole.
A cette population nouvelle de vacanciers ruraux et de résidents secondaires dont certains devenaient permanents à leur retraite, devait se joindre au cours des décennies suivantes une population anglo-saxonne et des pays du nord de l’Europe, mais aussi d’Amérique du nord et du Canada, qui appréciait tout particulièrement l’achat d’un habitat traditionnel construit en pierre dont ils surent mettre soigneusement en valeur la qualité initiale par une restauration respectueuse de son authenticité. La population étrangère de Puycelsi compta ainsi jusqu’à sept nationalités avec l’installation permanente de familles anglaises, écossaises, belges, allemandes, canadiennes, américaines et australiennes représentant le tiers de la population du village dès 1980.
Au cours de la décennie 1970-1980, les habitants des trois cantons ruraux du nord-ouest du Tarn englobant la Grésigne entre Vére et Cérou, participèrent au développement de ce « tourisme rural diffus» s’opposant, selon le chanteur occitan Claude Marti, à la concentration sur des plages qu’il appelait « le bronze-cul de l’Europe ». Cependant, face aux changements induits par des potentialités touristiques reconnues comme un facteur possible de développement local, les attitudes des uns et des autres variaient entre le soutien affirmé et enthousiaste et la timide adhésion, voire le rejet nuancé de ceux qui qualifiaient le tourisme « d’élevage touristin » (comme on dit « élevage bovin » ou « élevage caprin ») dans la pièce de théâtre donnée localement et composée par l’instituteur Maurice Boyer, Maire de Penne et Président du GREAVI. Pour le personnage de grand-père pennol tenant ce discours, cette expression n’était pas que péjorative mais laissait entrevoir qu’avec le travail et la compétence nécessaires (en plus de l’investissement d’un tennis communal réclamé par son petit-fils) « ça pouvait rapporter ! » comme toutes les formes d’élevage.
Cependant, les seules qualités d’un patrimoine bâti, l’attraction de beaux villages-perchés, la nouvelle présence de quelques artisans d’art, de rares restaurants (mais l’absence d’hôtels), les atouts d’un « tourisme vert » fait de paysages de vignes et de forêts (Grésigne et Sivens), limitaient les revenus locaux que pouvait procurer un tourisme de séjour réduit et passager, avec un afflux de visiteurs de passage privés de faibles structures d’accueil.
Dans un pays privé d’eau où les piscines individuelles n’existaient pas encore, les structures d’accueil et de loisirs restaient encore notoirement insuffisantes pour augmenter la durée d’un vrai tourisme de séjour. La Vére et le Cérou au débit estival affaibli, voire quasi-inexistant en été, rendent toute baignade impossible dans ces petits affluents de la riante Aveyron, laquelle rivière grossie par les eaux claires et cristallines du Viaur, permet aujourd’hui le passage journalier de 2 000 canoës-kayaks pour visiter les gorges de Saint-Antonin à Cazals et se baigner à volonté.
Pour avoir de l’eau, élément essentiel pour profiter de ses multiples loisirs au cours des vacances estivales, quelques rares communes rurales aménageaient une piscine ou bien un plan d’eau à côté d’un villages de vacances. Un promoteur immobilier nous proposa en 1982-1983 de créer ce lac en compensation de la cession d’une partie du terrain intercommunal utile à l’implantation de quelques dizaines de chalets, mais le projet fut abandonné.
Ce sera donc grâce à une coopération intercommunale que sera réalisée en 1985 une Base de Loisirs, avec l’aide du Département du Tarn et de la Région Midi-Pyrénées. Dans mes fonctions de Conseiller général et de Président du Syndicat Intercommunal à Vocations Multiples (SIVOM des douze Communes du Canton de Castelnau-de-Montmiral), fonctions que j’ai exercées de 1979 à 1993, j’ai contribué à la création de cette Base et à son fonctionnement. Le nom de Vère-Grésigne que j’ai proposé tient au fait que le plan d’eau a été aménagé en bordure de la Vère, au pont de la Lèbre, au carrefour du CD 964 et du CD 87. Ce dernier chemin départemental n°87 dessert la Grésigne toute proche à partir de la Base Vère-Grésigne. Reliant Montmiral à Bruniquel, il découle du tracé aménagé sommairement avant la Révolution de 1789 par le Comte de Maillebois pour traverser la forêt de Grésigne en passant par la Grande Baraque, puis par les Terrassiols où il rejoint une route se dirigeant vers Haute-Serre et Vaour par Fonbonne.
Le succès immédiat que connaîtra la Base Vère-Grésigne reposait sur son emplacement, au centre du canton de Castelnau-de-Montmiral, desservi par le CD 964 qui fit alors l’objet de nombreux aménagements routiers pour rejoindre d’une part l’autoroute A 20, d’autre part la voie rapide RN 86 Rodez-Albi-Toulouse par Gaillac.

La problématique actuelle du devenir de cette Base, en 2020, plus de 35 ans après sa création, reste donc lié à la bonne signalisation et au bon entretien de sa desserte routière tout autant qu’à l’évolution de l’environnement socio-économique et culturel du milieu rural ainsi qu’aux changements institutionnels successifs concernant sa propriété.
2-Le SIVOM et le remembrement agricole de la vallée de la Vère (1971-1979)
La Base Vère-Grésigne a été aménagée par le Syndicat à Vocations Multiples des Communes du Canton de Castelnau-de-Montmiral créé en 1956 pour organiser le remembrement des parcelles agricoles des communes riveraines de la Vère. Cette opération de coopération intercommunale avait procédé à la rectification de 27 km le long de ce petit affluent de l’Aveyron afin de corriger les méfaits de ses inondations fréquentes sur les récoltes. Celles-ci faisaient l’objet de réclamations continuelles qui figurent dans les registres consulaires ou municipaux de Castelnau-de-Montmiral et de Puycelsi au cours des 18ème et 19ème siècles.
Les années 60 virent des discussions difficiles et complexes, avec de multiples réunions sur le terrain et dans les Mairies du canton de Castelnau-de Montmiral, nécessaires pour que les Services de la Direction départementale du Tarn, maître d’œuvre avec l’aide de géomètres privés, puissent établir les plans d’un nouveau parcellement et d’un nouveau tracé de la Vère. Depuis Cahuzac-sur-Vère jusqu’à Larroque, en passant par les communes de Vieux, le Verdier, Sainte-Cécile-du-Cayrou, Castelnau-de-Montmiral et Puycelsi, on procéda ensuite de 1971 à 1979 au creusement du nouveau lit de la Vère sous la forme d’un fossé artificiel, quasiment rectiligne, où aboutissaient de nombreux fossés de drainage des parcelles riveraines remembrées permettant ainsi d’en assurer l’assainissement, tout en facilitant la mécanisation des travaux.
Ainsi se concevait, à cette époque, l’amélioration de la structure foncière agricole afin d’accroitre la modernisation de l’agriculture d’un canton qui, en 1970, comprenait 454 exploitations familiales et une population agricole de 2 483 habitants, soit 60% d’une population totale s’élevant à 4 140 âmes. Cette modernisation exigeait la suppression d’un parcellement excessif pour mieux s’adapter à la mécanisation des travaux agricoles, en même temps qu’à la vulgarisation des nouvelles techniques de production sous la tutelle d’un GVA cantonal (Groupe de Vulgarisation Agricole). Conformément à un objectif de productivité basé sur les recherches de l’INRA et, à partir des préconisations de la Loi d’Orientation Agricole de 1960 pour le maintien de « l’exploitation familiale agricole à 2 UTH (Unité -Travailleur- Homme) », il en résulta un remembrement de la basse vallée de la Vère, relativement brutal sur le plan écologique. Disposant alors de prix agricoles garantis par l’Europe, l’excellente productivité atteinte par l’agriculture locale n’empêcha pas cependant la diminution rapide de la moitié de sa population agricole et la disparition de nombreuses exploitations familiales au cours des années qui suivirent.
En effet, en nous projetant en 1988, le canton de Castelnau-de-Montmiral ne comptait plus que 271 exploitations avec une population agricole de 1 385 habitants, soit 31% de sa population totale qui s’élevait alors à 3 607 habitants. Cette diminution de l’agriculture sera constante voire accélérée. C’est ce qu’avait prévu au demeurant le célèbre Plan Manscholt (1968-1972) qui estimait que la France ne compterait plus que 400 000 exploitations agricoles dans un bref avenir sur les 1 200 000 alors existantes, ayant survécu parmi les 1 800 000 décomptées dix ans auparavant !
Dans des proportions semblables au cours des années 1988 à 2018, cette diminution des exploitations agricoles familiales se poursuivra jusqu’à aujourd’hui, alimentée par la concentration des terres et la difficile installation des jeunes agriculteurs, avec pour résultat la division par 5, voire par 10 du nombre des exploitations agricoles selon les communes du canton dont la plupart était classée par l’Europe en « zones fragiles ».
Revenons à la préparation du remembrement au cours de laquelle, dans le courant des années 1965 à 1970, furent dénombrées sur les diverses communes du canton riveraines de la Vère, de nombreuses « parcelles dites sans maître ni propriétaire connu ». Ce sont ces parcelles qui devaient être regroupées en deux lots dont la propriété fut affectée au SIVOM :
- l’une de 16 hectares environ, situé au Pont de la Lèbre sur la commune de Castelnau-de-Montmiral au croisement du CD 964 et du CD 87, sur un terrain marécageux et laissé à l’abandon, qui allait permettre la création en 1984 du plan d’eau Vère-Grésigne avec l’apport d’un ruisseau provenant du causse Saint-Jean,
- l’autre de 4 hectares environ, situé à la confluence du ruisseau de Saint-Hussou et de la Vère sur la commune de Cahuzac-sur-Vère sur laquelle seront aménagés en 1986 les bassins d’une pisciculture de reproduction par la Fédération départementale de la Pêche du Tarn qui les délaissa par la suite pour les utiliser à la pêche à la truite.
En résumé, ces opérations de remembrement et d’assainissement concernaient 1 278 hectares de terres agricoles à vocation céréalière et fourragère, d’autant plus irrigables que le débit estival de la Vère sera soutenu par la retenue du lac de Mailhoc dont le projet remontait à 1990. Remembrement certes important, quoique représentant moins de la moitié de la surface occupée par les vignes du canton qui allaient diminuer de 2 862 ha en 1970 à 2 067 ha en 1988 sur les 23 265 ha que compte le canton (je rappelle que la Grésigne recouvre 3 545 ha).
Mais ce curieux regroupement des parcelles « au propriétaire inconnu », résultant d’un remembrement à but agricole allait permettre de créer en 1985 une « Base de Plein air…et de loisirs » dite désormais Base de Loisirs.
3-Plan d’Aménagement Rural des causses nord-ouest du Tarn (1975-1979)
Nous voici donc en 1979. Viennent de s’achever alors les réflexions d’un PAR, « Plan d’Aménagement Rural des Causses Nord-Ouest du Tarn », piloté par la Direction départementale de l’Agriculture. Sur l’analyse d’un territoire qui comprend les trois cantons de Castelnau-de-Montmiral, de Cordes et de Vaour, les rapports du PAR mettent l’accent sur la dévitalisation de cet espace rural de causses divers dans la partie nord-ouest du Tarn. Ainsi les gorges de la moyenne vallée de l’Aveyron et les vallées de ses petits affluents du Cérou et de la Vère entourant la forêt de Grésigne bornée par ses villages limitrophes haut-perchés à la démographie décroissante, attirent l’attention sur un pays en voie désertification avec une population inférieure à 12 habitants au kilomètre-carré.
Les élus communaux sont restés à l’écart et la population locale n’a pas été consultée par les responsables de cette opération d’aménagement rural faisant suite à la brutalité d’un remembrement agricole en voie d’achèvement qui a créé de nombreux conflits et qui s’est effectué lors d’une période de forte disparition de petites exploitations agricoles pour lesquelles aucune reconversion locale n’a jamais été évoquée.
A part la nécessaire amélioration de l’habitat traditionnel et la préservation du vignoble cantonal situé en zone AOC ainsi que la découverte d’un territoire péri-grésignol bénéficiant d’un riche patrimoine naturel et historique à valoriser, le Plan d’Aménagement Rural des causses nord-ouest du Tarn ne va guère au-delà de l’analyse classique d’une situation rurale classique. Diverses brillantes études initiées par ce Plan d’Aménagement Rural (Mme Lizet et M. de Ravignan) démontrent une profonde dégradation des paysages agricoles de la vallée de la Vère alors dévastée par les travaux de rectification de la Vère, aussi bien que des paysages de causses en voie d’abandon autour de villages se dépeuplant.
Le PAR mise alors sur la vulgarisation des techniques agricoles conçue par les Chambres d’Agriculture en faveur d’une agriculture hautement productive, dopée de produits chimiques tant pour la fertilisation du sol que pour la défense des cultures. Une agriculture qui prend alors du retard à s’insérer dans les marchés d’amont et d’aval ; ce qu’elle aurait pu faire avec l’aide de groupements d’agriculteurs et de la coopération agricole dont les cantons de Montmiral et de Vaour sont malheureusement privés.
Scandaleusement, rien n‘est dit dans ce PAR sur la présence de la plus grande chênaie du sud de la France qu’est la Grésigne dont les coupes sont exploitées de façon sommaire par l’Office National des Forêts depuis 1956, sans objectifs d’améliorer la plus-value locale et d’en valoriser la richesse écologique. Le PAR ne porte aussi guère d’attention aux atouts mais aussi aux limites du « tourisme de visite » grandissant dans la bastide de Montmiral, ainsi que dans les castra de Penne et de Puycelsi. Lui échappe également une ruralité en voie de profond changement où apparaissent les premières « vacances à la ferme », tandis que se multiplient les résidences secondaires participant à la rénovation de nombreux villages au risque de bloquer toute forme d’habitat locatif.
Le Plan d’Aménagement Rural se déroula donc à la veille de profonds bouleversements annonçant, quelques années plus tard, une ruralité de « nouvelles campagnes » plus ouvertes sur l’extérieur, où les fonctions d’accueil prendraient leur place par rapport à la traditionnelle fonction de production agricole jusque-là prédominante.
Créé par le Département du Tarn en 1980, le Circuit des Bastides était significatif de la prise de conscience d’une orientation nouvelle pour le tourisme local. Etablie sur la périphérie de la Grésigne, bien balisée par une signalisation quasi-inexistante jusque-là, cette initiative (dont je suis à l’origine) augmentera la fréquentation touristique des villages médiévaux tarnais de la vallée de la Vère ainsi que ceux de Penne et de Vaour. Si le remembrement agricole de la vallée de la Vère, suivi par le Plan d’Aménagement Rural auront eu un impact négatif, ce sera une « Association Intercommunale du Pays Grésigne-Aveyron-Viaur», dénommée GREAVI, qui allait jouer un rôle important d’animation en multipliant ses activités au cours de la période 1980-1993.
4-Rôles et actions du GREAVI, association de pays (1980-1993)
Le GREAVI, créé dans les années 1955-1960, resté longtemps inconnu, avait publié diverses études couvrant une vaste zone géographique rattachant la Grésigne au Ségala tarnais sur les deux cantons de Mirandol-Bourgnounac et de Monestiés sur la rive gauche du Viaur et aux causses nord-ouest du Tarn sur les trois cantons péri-grésignols de Cordes, Montmiral et Vaour, auquel s’ajoutait éventuellement le canton de Salvagnac.
Vouloir regrouper Grésigne, Aveyron et Viaur dans une même entité était une gageure pour cette région de marche, où l’Aveyron et son affluent le Viaur étaient déjà la frontière entre les Gaulois Ruthènes Provinciaux établis entre le Tarn et le Viaur et les Ruthènes Libres, ces derniers séparés des Cadurques par La Bonnette qui se jette dans l’Aveyron.
De son côté, la rivière Aveyron a été la frontière décrétée par le Traité de Brétigny en 1360 entre la France et l’Angleterre, puis entre les Provinces du Haut-Languedoc de l’Albigeois et de la Haute-Guyenne comprenant le Quercy et le Rouergue, pour finalement se trouver au point de concours des trois départements du Tarn, du Tarn-et-Garonne et de l’Aveyron.
L’Aveyron et le Viaur parcourent en les séparant des pays différents. Comme on le dit, « le caillou faisant l’homme », le caractère de ceux vivant sur les sols calcaires des causses ne s’accorde pas bien avec ceux vivant sur les alluvions quaternaires des vallées, ni avec les autres vivant sur les molasses tertiaires de l’Albigeois et guère mieux avec ceux vivant sur les sols du Ségala ou du Bas-Rouergue. Plus encore que le caillou, le « campanilisme » traditionnel et conservateur de nos campagnes occitanes qui a longtemps opposé les villages entre eux perdurera longtemps, prônant l’indépendance des communes, voire des paroisses, à l’encontre pendant longtemps de toute association et de toute coopération instituée sous la forme de « syndicats intercommunaux ».
Une vingtaine d’années sera donc nécessaire pour que le GREAVI, conçu en 1960 comme une entité géographique trop diverse car fort étendue, aboutisse en 1980 à une association intercommunale qui restera active une douzaine d’années sur un territoire concernant seulement les trois cantons de Cordes, Montmiral et Vaour dans les causses nord-ouest du Tarn.
Vécu comme un « pays » bâti sur l’interconnaissance, ce « campanilisme » exacerbé se manifestera de nouveau en 1993 pour diviser la zone d’action du GREAVI en deux « Communautés de Communes », dont les territoires seront ensuite englobées en 2015 dans deux « Communautés d’agglomération » aux limites agrandies correspondant plus ou moins pour partie à des zones de chalandise, l’une autour de Gaillac, l’autre autour de Carmaux.
Le Conseil d’administration du GREAVI, composé des maires des Communes des trois Cantons ou de leurs délégués, comprenait aussi les représentants locaux de l’agriculture, de l’artisanat et du commerce ainsi que de diverses associations. Cette large participation permettra aux divers acteurs de s’intéresser aux problèmes concernant la vie locale (par exemple, animation des clubs du troisième âge, transports par minicar à domicile et à la demande etc.) tout en favorisant l’interconnaissance et l’échange pour faire naître divers projets sociaux que seront les regroupements scolaires, l’aide aux personnes âgées, le soutien aux syndicats d’initiatives, le balisage d’un de sentiers pédestres en forêt de Grésigne avec l’autorisation de l’ONF voire aussi, la participation à des évènements culturels (Eté de Vaour, Son-et-lumière à Penne, fêtes de la Base Vère-Grésigne etc). Autant d’actions favorables à la revitalisation d’un territoire s’appuyant sur une solidarité intercommunale nécessaire à la résolution de problèmes locaux et au développement local.
Le budget du GREAVI fut assuré de 1979 à 1992 par les subventions du Département et les contributions des Communes des trois cantons peri-grésignols sur la base de 4 francs, soit environ 0,60 € par habitant, ce qui permettra la mise à disposition permanente de deux animateurs à temps complet, impliqués et compétents en matière de développement local. Les lois de décentralisation de 1981-1982, libérant les Communes de la tutelle préfectorale, ont été favorables aux libertés communales, contribuant ainsi à la responsabilité des élus locaux et au dynamisme de leur gestion communale ou intercommunale. Dès lors, la thématique des rapports ville-campagne est abordée sous l’angle d’un tourisme rural diffus, notamment avec la création de gîtes ruraux, de chambres d’hôtes et de camping à la ferme. La fonction d’accueil devient un atout dans un milieu rural sensibilisé et favorable au développement local. L’émergence, timide mais progressive, de « nouvelles campagnes », prend en compte, par des initiatives nouvelles, l’attrait des gens vivant dans les villes polluées et loin de la nature. En découleront l’organisation de sentiers pédestres en Grésigne, « le Verger Conservatoire Régional » et « le Sentier du Patrimoine » à Puycelsi ou les pratiques d’un oeno-tourisme avec réception à la ferme. Ces initiatives laissent encore trop souvent indifférente la population locale, pour partie méfiante du changement social et culturel, restant souvent attachée à la survivance d’une société rurale traditionnelle, hors d’une évolution qui les exclue trop souvent en les marginalisant.
Plus qu’un « pays », l’appellation GREAVI aurait pu marquer aussi un « territoire » structuré en une seule Communauté de Communes dès 1993. Mieux encore ! Le GREAVI aurait pu être au cœur d’un « Parc Naturel Régional Grésigne-Gorges de L’Aveyron » dont le projet interdépartemental fut initié et soutenu par le Département de Tarn-et Garonne et la Région Midi-Pyrénées. Il prévoyait le regroupement des trois cantons tarnais du GREAVI avec la moyenne-vallée de l’Aveyron tarn-et-garonnaise de Nègrepelisse à Laguépie, avec les deux cantons de Saint -Antonin et de Caylus, voire même le canton de Najac. Hélas ! Malgré la richesse touristique de ce territoire rural interdépartemental qui aurait relié une partie de l’Albigeois au Bas-Quercy et au Bas-Rouergue, ce projet de Parc Régional Naturel échoua suite à des rivalités politiques que le GREAVI ne pouvait surmonter.
Pouvait-il en être autrement depuis que la Communauté de Communes de Cordes-Vaour et celle de Vère-Grésigne, dès leur création en 1993, avaient des visées séparatistes ayant pour conséquence de briser leur solidarité en divisant le territoire du GREAVI, ce qu’aggrava ensuite leur fusion réciproque dans deux Communautés d’Agglomération différentes organisées à partir de pôles urbains extérieurs aux causses nord-ouest du Tarn, l’une avec Gaillac-Graulhet et l’autre avec Carmaux ?
Pouvait- il en être autrement aussi en Tarn-et-Garonne entre les deux nouvelles Communautés rivales de Montclar-Bruniquel et celle de Saint-Antonin–Caylus ?
De même que l’on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif, on ne peut pas réunir des Communautés de Communes appartenant à deux départements voisins qui s’ignorent réciproquement pour réaliser un projet commun !
5-Création et aménagement de la Base Vère-Grésigne en 1983-1984 par le SIVOM des Communes du Canton de Castelnau-de-Montmiral
Après avoir évoqué feu le GREAVI et les tribulations de territoires ruraux soumis à des tensions diverses par la création de Communautés de Communes qui mirent fin à son existence, revenons à cette époque où, parallèlement à l’action du GREAVI, le Canton de Castelnau-de-Montmiral bénéficiait de l’existence d’un SIVOM (Syndicat intercommunal à Vocations Multiples) se définissant comme un organisme de coopération intercommunale de proximité, réunissant ses 12 communes, ce qui en facilitait le caractère opérationnel grâce à une gestion très participative impliquant directement la décision des Conseils Municipaux.
Les ressources que pouvait regrouper le SIVOM Vère-Grésigne, à partir de la fiscalité et de l’engagement commun des Communes qui le composaient, étaient en mesure de mobiliser les subventions départementales et régionales. Ce qui lui permettait par ailleurs d’envisager des projets plus importants que ceux du GREAVI dont le statut associatif intercommunal ne lui permettait pas de porter des investissements importants nécessitant des emprunts à long terme.
A raison de deux délégués par commune adhérente se portant le plus souvent sur le choix du Maire et de son adjoint, le Conseil syndical intercommunal du SIVOM, ne bénéficiait pas de la possibilité de lever à son compte les impôts locaux pour financer les actions ou les projets relevant des compétences nouvelles que se donna dès 1979 le SIVOM du Canton de Castelnau-de-Montmiral en matière de voirie, ordures ménagères et développement local, outre sa compétence initiale de remembrement en 1956 . Les recettes de son budget annuel, tant en fonctionnement qu’en investissement, provenaient donc, outre les subventions et les emprunts, des « contributions financières » qui lui étaient affectées par les communes, selon une répartition soumise à l’accord de chacun des Conseils municipaux des Communes associées.
Cette procédure était lourde, voire longue, mais solidairement efficace ! Les décisions collectives prises par le Conseil syndical du SIVOM, relatives à chaque projet intercommunal, devaient en effet faire l’objet d’une délibération commune dans chacun des Conseils municipaux, acceptant les contributions financières incombant à chacune des 12 communes le composant. Procédure très différente de celle des Communautés de Communes ou d’Agglomération qui, à la majorité de leurs délégués communaux ont directement le pouvoir, comme toute collectivité locale, pour établir à la majorité le taux des impôts locaux nécessaires à l’équilibre de leur budget annuel, tant en fonctionnement qu’en investissement.
Si les activités des syndicats intercommunaux tels que le SIVOM relevaient de décisions prises à la majorité du Conseil syndical que devaient confirmer les conseils municipaux des conseils municipaux de chaque commune adhérente, il avait cependant l’avantage de favoriser une participation démocratique réelle qui impliquait le vote personnel de tous les élus municipaux de base, nécessitant l’adhésion préalable de chaque Conseil municipal pour prendre une délibération commune. A ce titre, l’intérêt unanime qui sera porté à la Base Vère-Grésigne, tant pour son investissement que pour son fonctionnement, contribua dans les communes adhérentes à un sentiment local d’appropriation et de participation, ne pouvant que favoriser son fonctionnement ainsi que son attrait au cours de la période succédant à sa création de 1984 à 1992.
Les travaux de remembrement et de rectification du cours de la Vère une fois terminés, le SIVOM des Communes du Canton de Castelnau-de-Montmiral, dès 1979, prit en charge l’entretien du lit artificiel de la Vère, se donna de nouvelles compétences (travaux de voirie communale, ordures ménagères, transport par minicar à domicile à la demande…) et décida de mettre à l’étude la mise en valeur de ses propriétés foncières de Saint-Bar et du Pont de la Lèbre.
Pour le terrain de Saint- Bar à Cahuzac-sur -Vère, un accord fut rapidement trouvé pour le mettre à la disposition de la Fédération de la Pêche du Tarn. Pour le terrain du Pont de la Lèbre, la recherche initiale d’un partenaire se porta d’abord sur un promoteur immobilier de Montpellier qui se retira par la suite.
Après cet échec, le choix d’établir un plan d’eau et une Maison de pays intercommunale se concrétisa à la suite d’un consensus qui exigea un cheminement plus long quant au fonctionnement de la Base qui regroupait ces deux investissements. Les loisirs, oui, mais lesquels et avec quelle organisation pour rentabiliser ces investissements ? Le tourisme, oui, mais pourquoi et pour qui ? Autant de questions qui demandaient non seulement informations et réflexions, mais aussi engagement fort.

Les responsables du SIVOM étaient d’autant plus favorables à cette réalisation d’un plan d’eau que l’eau estivale, relativement rare et précaire, causait une vive inquiétude car s’opposant au développement touristique dans la vallée de la Vère. Le débit estival de ce petit affluent de l’Aveyron, brutalement rectifié pour assurer le remembrement des terres limitrophes, avait alors beaucoup de mal à se maintenir au-delà de 10 litres par seconde, voire à un débit estival bien moindre avant que la retenue de soutien à Mailhoc puisse y remédier plus tard en 1992. Une solution alternative sera trouvée pour approvisionner le lac à partir d’un ruisseau descendant du causse Saint Jean, faisant de la Vère une ressource complémentaire si besoin était pour maintenir le niveau du plan d’eau en fin d’été. La piscine municipale de Cahuzac-sur Vère située à 12 km de la Base Vère-Grésigne jouant une fonction différente n’était pas en concurrence. Quant aux piscines privées, elles étaient quasi-inexistantes et ne se développeront dans la région qu’à compter des années 1995- 2000, ce qui rendait les baignades dans un plan d’eau cantonal d’autant plus intéressantes.
Afin d’envisager le fonctionnement à venir de la Base Vère-Grésigne, divers voyages d’études furent organisés par le SIVOM pour les Maires et les Conseillers municipaux afin de visiter diverses réalisations semblables déjà opérationnelles dans les départements voisins à Monclar-de-Quercy en Tarn-et-Garonne, à Duras dans le Lot-et-Garonne, à Lectoure dans le Gers. Ces plans d’eau créés au cours de la décennie 1970-1980 favorisaient le développement du tourisme rural avec des aménagements complémentaires tel que camping intercommunal ou chalets. Options retenues par le SIVOM à moyen terme, au vu d’une fréquentation touristique déjà importante et prometteuse permettant d’envisager ces investissements d’accueil supplémentaires.
En 1983, la décision du Département du Tarn d’accepter la proposition du SIVOM de créer le « Syndicat Mixte Vère-Grésigne » afin de réaliser à parts égales les investissements concernant l’aménagement de la Base de Plein Air et de Loisirs fut déterminante.
Les travaux furent mis à exécution dès 1984 en trois tranches :
- première tranche : creusement d’un plan d’eau de 9 ha environ, plantations et semis, parking, voirie et réseaux divers, soit 1 100 000 francs hors taxes au total, payés par les contributions du Département et du SIVOM de 330 000 francs chacune et par les subventions de 220 000 francs chacune de la Région et du Fonds Européen d’Aménagement Rural (FEADER),
- deuxième tranche : construction de la Maison de Pays et creusement d’un second lac (un ha environ), soit 910 000 francs au total hors taxes, payés par les contributions du Département et du SIVOM de 300 000 francs chacune et les subventions de la Région pour 186 000 francs et celle du FEADER pour 124 000 francs,
- troisième tranche : construction d’un hangar polyvalent, terrains de tennis et de minigolf, pédalos, jeux divers pour enfants, mobilier informatique, barbecue, équipements snack-bar, soit 600 000 francs hors taxes au total. Cette dernière tranche fut complétée en 1985 par la mise en place d’un toboggan aquatique, financé par la récupération de la TVA.
Au total, 2,6 MF TTC furent investis en 1984-1985 ; somme qui correspond aujourd’hui, compte tenu de l’inflation au cours des 30 dernières années, à un investissement total de l’ordre de 500 000 €.
Dès l’été 1985, la Base Vère-Grésigne fut ouverte au public sous la responsabilité de l’ Association Intercommunale Vère-Grésigne dont le Conseil d’administration, comprenant les maires du SIVOM, les représentants professionnels des gîtes ruraux et autres responsables d’associations communales, était chargé d’assurer la gestion de la Base avec l’aide d’un directeur salarié à plein temps, aidé par un employé saisonnier et 3 à 4 jeunes étudiants sous le statut de « TUC : Travaux d’Utilité Collective » ; la baignade étant surveillée par un maître-baigneur salarié saisonnier et l’entretien de l’espace naturel étant confié aux services locaux du personnel de l’Equipement ( Département). Cette gestion associative prenait à sa charge le personnel, les annuités d’emprunt du SIVOM ainsi que tous les autres frais de fonctionnement et d’approvisionnements et, pour cela, bénéficiait de toutes les recettes journalières provenant des entrées payantes pour la baignade (0,30 € par personne), de la vente de boissons (licence catégorie 3), des repas du snack-bar occupant le rez-de chaussée de la Maison de Pays, des locations du court de tennis et des pédalos entre autres occupations de jeux divers (volley-ball, pétanque, quilles, etc.…).
La fréquentation estivale de la baignade était considérablement grossie lors de diverses animations telles que la Fête des vignerons, la Fête du cheval, la pêche à la truite, la démonstration de modèles réduits mais aussi les feux d’artifice du 14 juillet, la venue de joutes sétoises, les repas d’associations diverses complétant la venue d’une population locale autant que celle d’une population vacancière, attirées par le plan d’eau et les plaisirs aquatiques dans un environnement naturel arboré où les familles se retrouvaient souvent autour d’un barbecue.
Ce sont donc les activités associatives qui assurèrent, de 1985 à 1992, le fonctionnement de la Base Vère-Grésigne y compris le remboursement des emprunts des investissements réalisés par le Syndicat Mixte Département-SIVOM.
La Base Vère-Grésigne et la forêt de Grésigne attenante, étape d’un public touristique fréquentant le circuit des Bastides et ses villages de caractère haut perchés, preneur d’une promenade en Grésigne, se voyaient désigner par la presse comme étant le « poumon vert » des causses nord-ouest du Tarn. Outre le fait que la Base fut utilisée par les écoles primaires du Gaillacois comme lieu de jeux de plein air et de formation à la voile en avant ou arrière-saison, son attrait et ses nombreuses animations estivales en faisaient un lieu de rencontres. Elle a contribué à développer le potentiel touristique du GREAVI et à mieux faire connaître le pays grésignol de la basse vallée de la Vère désormais un peu moins enclavé et esseulé.
Malgré les sévères sècheresses estivales des années 1986 à 1989, la perte du volume d’eau soumis à une forte évaporation pouvant atteindre 7 à 8 mm/jour (soit 7 à 8 litres d’eau par mètre-carré correspondant à 70 à 80 mètres-cubes/jour/ha) fut compensée vers la fin des étés par le pompage de l’eau de la Vère. Sa fréquentation resta ainsi élevée. ce qui permit aux petits villages riverains et en particulier au chef-lieu du canton, Castelnau- de-Montmiral, de prendre un nouvel essor.
Ce nouvel investissement, ayant une fonction d’animation estivale, joua le rôle d’un équipement structurant pour améliorer la fréquentation touristique locale. La Maison de Pays équipée d’un restaurant et d’une salle de réunion aurait pu aussi favoriser une vie culturelle et sportive permanente mais qui nécessitait des moyens techniques et financiers plus importants pour la promouvoir auprès de la population locale. Ces moyens ne furent jamais réunis.
Comme nous l’avons dit, il n’avait pas échappé aux responsables du SIVOM que, dans le prolongement de la Base nautique, un terrain intercommunal de camping serait à brève échéance un aménagement complémentaire au Plan d’eau pour valoriser la Base et faire de sa Maison de Pays un pôle de développement touristique, facteur d’un développement rural global. Dans le même but, avait été lancé en 1989 avec l’aide du Département du Tarn, un projet intercommunal de construction de « Cent chalets portant le label Grésigne » afin de promouvoir une filière-bois locale. Chalets à mettre en place par petits groupes auprès des villages du canton dont l’expérimentation se réalisa selon trois modèles différents sur le terrain départemental de Lascroux à Puycelsi où la Fédération des Œuvres Laïques du Tarn gère une colonie de Vacances, des séjours de classes vertes et des stages de formation. Mais l’investissement d’un terrain intercommunal de camping, projet du SIVOM, sera abandonné dès 1993 par la nouvelle Communauté de Communes Vère-Grésigne au profit d’un terrain de camping privé en 1994 au carrefour du Pont de la Lèbre. Cette réalisation sera suivie par une opération immobilière relativement récente de construction de chalets à vendre ou bien à louer, sur le Domaine de la Durantié. Ces deux opérations privées, aménagées à proximité immédiate de la Base Vère-Grésigne ne sont pas le fait du hasard mais la confirmation de son rôle structurant. On peut néanmoins regretter que la Base n’ait pu amplifier son rôle dans un développement local intercommunal et global mieux partagé tout en poursuivant son objectif touristique initial.
6-Problématique et perspectives d’avenir de la Base Vère-Grésigne dans le développement local de la basse vallée de la Vère
Devenue propriété de la Communauté de Communes en 1993 à la place du SIVOM, la Maison de Pays fit l’objet d’une location à un restaurateur privé qui abandonna son restaurant après l’exercice d’une saison. La gestion de la Base sera alors de plus en plus réduite à son entretien assuré par les services de la Direction départementale de L’Equipement. L’organisation de la baignade fut séparée de l’ensemble du Plan d’eau par une digue de terre et le hangar polyvalent fut aménagé pour être utilisé éventuellement en garderie pendant les vacances scolaires. Un petit lac d’observation de la faune naturelle aquatique fut créé dans une zone de la Base, isolée et végétativement adaptée à la vie des oiseaux, mais laissée rapidement à l’abandon faute d’animateur compétent.
Certes, dans ces conditions, la Base Vère-Grésigne continue de jouer le rôle d’un espace public où les promeneurs disposent tout au long de l’année d’un parking et d’un chemin périphérique que l’on peut parcourir à pied dans un paysage agréable et bien entretenu. Cette notion d’ « espace public », d’aucuns diraient d’un « espace commun » ouvert à tous, en plus des rues et des places de nos petits villages, reste important pour le développement local global dans ses diverses formes, dans les domaines économique et culturel, où le lien social reste indispensable.
Autant, pendant sa période de lancement de 1985 à 1992, la Base Vère-Grésigne était novatrice en favorisant une participation ouverte sur de nombreuses activités, autant les statistiques de sa fréquentation ultérieure montrent une diminution progressive de l’attrait de la seule baignade qui est devenue sa seule vocation. Il s’ensuit que ses ressources sont insuffisantes et proviennent de l’aide financière octroyée par la Communauté d’Agglomération Gaillac-Graulhet.
Depuis 1992, la situation économique et sociale de la basse vallée de la Vère a bien changé et la population agricole des communes du canton a connu une diminution. Les surfaces en vigne ont quantitativement baissé dans un terroir qui a su se renouveler avec des cépages de meilleure qualité, tandis que l’élevage laitier a pratiquement disparu dans le canton. Seuls subsistent quelques rares troupeaux bovins à viande et troupeaux ovins, réduisant les systèmes d’exploitation à des cultures simplifiées de céréales ou d’oléagineux, le tout aboutissant à un secteur agricole de plus en plus restreint dans un milieu rural où il était jusque-là dominant.
Notre milieu rural ne bénéficie plus désormais d’un flux démographique extérieur longtemps positif compensant les déficits naturels naissances/décès. Une perte qui s’ajoute à celle des jeunes du canton qui partent pour la plupart vers les villes à la recherche d’emplois très peu nombreux localement. Le tourisme de séjour augmente légèrement ses nuitées grâce à une hôtellerie de qualité apparue au début des années 1990, y compris l’hôtellerie de plein air représentée par divers campings du Pont de la Lèbre, de Cahuzac-sur-Vère et de Puycelsi, tandis que chambres d’hôtes, gîtes ruraux et campings à la ferme restent actifs, à part ceux créés au sein d’exploitations agricoles désormais disparues. Seul le tourisme de visite, de passage dans nos villages haut-perchés se maintient, voire augmente légèrement, à partir d’Albi classé par l’UNESCO, de Cordes et des gorges de l’Aveyron mais aussi de toute la métropole toulousaine.
Ce constat étant fait, il apparaît que la Base de Loisirs Vère-Grésigne et le pôle touristique auquel elle appartient (forêt, hébergement, sentiers de randonnée, produits locaux, sites prestigieux etc) est – hormis certaines communes le long de la trouée RN 86/rivière Tarn qui ont un patrimoine de qualité et une offre œno-touristique intéressante – la seule vraie opportunité de développement touristique de l’Agglomération Gaillac-Graulhet. Et la seule capable de rivaliser avec le site cordais qui appartient désormais à l’Agglomération carmausine….
Les hypothèses de travail répondant à cette problématique de développement de ce pôle touristique pourraient s’organiser prioritairement selon trois axes :
- une « intercommunalité de proximité de type associatif » (voire même « coopératif » pour certaines activités) dont il faut définir la composition et la mise à disposition par l’Agglomération de ressources propres,
- « la recherche et la promotion de nouvelles relations ville-campagne », découlant de l’urbanisation proche de villes voisines y compris Albi et Montauban, ainsi que la métropolisation toulousaine. La moitié de la population des huit départements de l’ancienne Région Midi-Pyrénées comprise dans le triangle Albi-Montauban-Toulouse doit être source d’échanges et de partenariats diversifiés,
- « la mise en valeur de thèmes culturels locaux très porteurs » (l’écologie, les verriers de Grésigne, la préhistoire de la vallée de la Vère, la cuisine locale, etc…) sous formes diverses (expositions, journées de présentation, conférences, animations culturelles…), mais aussi l’organisation de visites centrées sur l’historique et les richesses patrimoniales des villages alentour, avec des visites plus spécialisées ou localisées (découverte de la Grésigne, Verger Conservatoire avec dégustations de fruits, œno-tourisme, produits d’agriculture biologique …).
Après une période intense de concertation avec la population, les collectivités, les entreprises et les institutions présentes localement (dont l’ONF), il faudra définir un programme d’activités à mettre en œuvre à court et à moyen terme, en s’appuyant sur des animateurs qualifiés, mais aussi sur des personnes-ressources bénévoles dont l’inventaire reste à faire. Et la première action de ce programme serait de relancer la Base de Loisirs Vère-Grésigne.
Bien évidemment, il faudra faire une large place aux outils modernes de communication (sites et réseaux d’information et d’échanges, vidéos, etc…), aux moyens des collectivités concernées (par exemple les salles polyvalentes) ainsi qu’à l’animation socio-culturelle, voire à l’Education Populaire, toutes actions nécessaires à un développement local participatif.
La forêt de Grésigne et toutes les activités qui l’entourent seront alors tournées vers un même but : donner au pays grésignol et à sa population, dont on a esquissé le passé dans ce site internet, des perspectives d’avenir !
2 commentaires sur « Chapitre 15 : AU DEBOUCHE DE LA FORET DE GRESIGNE, LA BASE DE LOISIRS VERE-GRESIGNE »